Porst : Géant allemand
Réalisation par Sylvain Halgand, sur la base de documents Porst traduits par de nombreux bénévoles. Qu'ils en soient remerciés.

Signature

Qui était Hanns Porst ? (Présentation extraite du catalogue de 1955)

Hanns Porst
Johannes Porst, des Konsistoriums Erster Rat, sowohl Pfarrer an St. Nikolai als auch Inspektor der Synode und des Berliner Gymnasiums. Geboren 17. Dezember 1668, gestorben 9. Januar 1728.
Il était une fois, il y a trois décennies et demie, dans la ville bénie de Nuremberg, sur la Pegnitz, un petit employé de chancellerie qui gagnait 120 Mark par mois. Ce n'était pas beaucoup, certainement pas de quoi sauter de joie. Mais il possédait un appareil photo qu'il aimait par-dessus tout et qu'il remerciait pour les plus belles heures de sa jeune vie. Le soir, à la lumière rouge rubis de la chambre noire, quand il voyait les images apparaître d'elles-mêmes sous ses mains prudentes, pour rien au monde il n'aurait échangé sa place contre celle de son roi. Et surtout pas contre celle du secrétaire municipal, car il n'avait pas d'appareil photo.

Bientôt, la première Grande Guerre déferla sur le pays et notre assistant de chancellerie devint un soldat comme des millions d'autres. Mais son appareil photo était son plus cher compagnon. Sous les pluies de balles et les orages d'acier, ce dernier lui resta fidèle, jusqu'à ce qu'un jour, retentit un coup de feu destiné à son propriétaire. L'appareil lui sauva la vie en donnant la sienne.

Le jeune soldat prit alors l'heureuse décision de mettre sa vie au service de la photographie et au service de ceux dont l'existence est rendue plus belle grâce à la photographie.

De retour de la guerre, il ouvrit le plus petit et le plus jeune magasin de photographie de la grande et vieille ville de Nuremberg - les poches vides, mais le cœur vaillant.

Sachant réaliser tous les souhaits liés à la photographie, il gagna rapidement la confiance des nombreux amateurs éclairés qu'il a conseillés avec justesse et servis avec attention. Pour ces gens heureux, il n'y avait désormais pas plus grande joie que de recommander l'homme qui exauçait leurs désirs secrets.

Hanns Porst

Grâce aux clients satisfaits, sa petite entreprise devenait en une douzaine d'années...

La plus grande maison de photo du monde

Lisez maintenant son histoire dans les pages suivantes.


Des amis de Photo-Porst ont rédigé cette histoire en collaboration avec la revue "Der Aufstieg" *)


Hanns Porst

Du rédacteur au vendeur en gros

Ainsi la plus grande maison de photo du monde est née.

Printemps 1919. La première guerre mondiale est finie.
Hanns Porst rentre à la maison. Le poste de secrétaire à la municipalité de Nuremberg a été conservé pour le jeune lieutenant de mitrailleuse.
Mais un événement survenu pendant les combats avait montré le chemin au rapatrié qui hésitait entre l'emploi garanti à la chancellerie et la photographie : avec 600 mark de capital, il ouvrit un minuscule magasin d'appareil photo.

1919

Désormais, il pouvait mettre au service de ses clients ses longues années d'expérience amateur et les connaissances acquises par l'étude d'ouvrages spécialisés. Il se créait ainsi un cercle de plus en plus important d'amis.
"Le succès arrive par le service au client!" a l'habitude de dire Hanns Porst.

Les habitants de Nuremberg ne visitent personne à moins qu'ils ne le connaissent ", pensait Hanns Porst. Un jour, il eut une idée de publicité originale.

Nuit

Il sollicitait ses amis et une nuit, ils partirent, armés de pochoir, de peinture et de pinceaux pour "défigurer" la ville de Nuremberg. Le nom de Porst était peint soigneusement avec une peinture durable sur les trottoirs et les chaussées. Le lendemain, les habitants de Nuremberg ne parlaient plus que de Porst. La police naturellement aussi et cette publicité lui coûta une grosse amende.
Pourtant, cette publicité était "bon marché" et il y eu une grande affluence au magasin de Lauferplatz à la suite de celle-ci.

Désormais de l'aube au soir, Hanns Porst était debout. Il était tout à la fois vendeur, comptable, téléphoniste, correspondant et patron.
La clientèle devint de plus en plus importante autour de l'homme appliqué : car une fois que quelqu'un avait acheté chez lui, il lui restait fidèle, et chacun de ses clients devenait un ami personnel. (Et cela n'a pas changé jusqu'à aujourd'hui.)

Bien sûr, la petite boutique de la Lauferplatz devint rapidement trop petite. Hanns Porst se déplaça pour la première fois, dans un nouveau magasin, plus grand, auquel il apporta beaucoup de soin et de goût. "Je suis responsable de mes clients ! Vous devriez savoir que votre visite est une fête pour moi! "disait-il.

En 1924, Hanns Porst risquait un premier grand saut, il achetait un grand magasin situé derrière l'église Lorenz, avec 11 larges vitrines. On aurait pu penser que c'était la fin de sa croissance, alors qu'elle ne faisait que commencer. Lentement, à peine remarquée du public, une belle plante s'épanouissait : la vente par correspondance.

Cela vint comme ceci : chaque année, Nuremberg, le joyau de l'empire allemand attirait des milliers de visiteurs. Les uns ou les autres venaient - au début absolument par hasard - dans le petit magasin d'Hanns Porst. Lorsque des jours ou des semaines après, ils se retrouvaient chez eux, ils se souvenaient de l'homme aimable qui se trouvait à Nuremberg et auquel ils avaient fait confiance. Ainsi, il arrivait que de plus en plus de clients extérieurs écrivaient à Hanns Porst pour lui confier leurs besoins en photo. Alors, Hanns Porst a conseillé ses clients extérieurs comme ses clients de la ville. Dans ses lettres, il discutait avec les clients. Pas étonnant que les clients des courriers à Porst, que la photo rapprochait, étaient enthousiasmés. Nous voyons que la vente par correspondance se développait suite à la qualité de l'accueil en magasin.

"Mais non, pas cent, pas cent mille, je veux que tout le monde sache !" disait Hanns Porst, et bientôt, on voyait dans les magazines, la première des petites annonces Photo-Porst, qui nous sont désormais familières. Mais déjà à l'époque, Hanns Porst savait très bien que vous ne pouvez pas maintenir un service à la clientèle à long terme seulement avec des annonces dans les journaux et un catalogue.

Chaque client doit être conseillé avec la plus haute courtoisie et être servi avec la plus grande fiabilité. Ce conseil personnalisé, le suivi inlassable demande de l'espace. Plus d'espace que l'entreprise n'en disposait alors.

Hanns Porst acheta donc, sur Bergauerplatz, un bâtiment commercial, très grand, avec une façade de 35 mètres. Il le fit reconstruire entièrement, et en 1927, alors que son chiffre d'affaires dépassait la limite mythique de plusieurs millions, l'un des plus beaux immeubles de bureau de Nuremberg était terminé par cette reconstruction.

La clientèle croissant, de vastes extensions furent nécessaires. Un nouvel immeuble de bureau fut construit à Bergauerplatz, et l'ancien immeuble fut rehaussé de deux étages.

Cela se passait une année de grave crise économique, et pourtant le succès donnait raison au si optimiste Hanns Porst : Durant l'année de crise 1931, les ventes augmentèrent de 43 pour cent par rapport à l'année précédente, passant de 2,4 à 3.500.000.

La publicité de Hanns Porst eut de plus en plus d'impact parce les gens remarquaient que derrière celle-ci se trouvait une puissance jusqu'alors inconnue, et que Hanns Porst, ayant appelé à la vérité dans la publicité, agissait dans ce sens.

Plus tard, la surface augmenta. En 1929, Hanns Porst construisit un autre immeuble de bureau sur Oberen Bergauerplatz avec 7 étages, de 25 mètres de long et de 15 mètres de profondeur. Depuis longtemps, Photo-Porst est déjà de loin la maison de photo la plus grande du monde.

L'ère du petit format arriva. Aux centaines de milliers de photographes amateurs acquis par la généreuse publicité de Porst, s'ajoutent maintenant aussi ceux qui ne s'étaient jamais fait à la photographie avec les gros appareils difficiles à manier. Les adeptes de longue date de Photo-Porst leur montrent la voie qu'ils avaient eux aussi suivie pour devenir l'heureux acquéreur d'un appareil photographique ! La voie vers l'aide au paiement échelonné aussi simple qu'accessible.

1937, Hanns Porst acquit un immeuble de bureaux de 5000 m2 situé Veilhofstraße avec des bâtiments situés sur les rues latérales baptisées des noms des pionniers de la photographie: Zeiss- et Voigtländerstraße. L'année de la guerre, 1939, le chiffre d'affaires atteint 8 millions et le nombre d'employés augmenta à 450. La guerre détruisit tout ce que Hanns Porst avait construit. Dans le même temps, il apprenait que son fils unique avait été blessé durant la bataille de Berlin.

L'oeuvre de sa vie semblait détruite, mais Hanns Porst n'était pas prêt à baisser les bras. "Aide-toi et le ciel t'aidera !" disait-il, en se crachant dans les mains. Il saisit la pelle et la pioche, et reconstruisit, au sens propre, avec l'aide des chauffeurs, des dactylos, des emballeurs, des comptables.

1958
Ainsi, avec une volonté inflexible, Hanns Porst recommençait presque au même point qu'en 1919.
Il se confirmait donc qu'il était vraiment né coiffé et qu'à la longue la fortune ne sourit qu'aux audacieux. A peine avait-il engagé la lutte contre l'injustice de l'après-guerre, qu'il pouvait serrer dans ses bras son fils HannsHeinz, rentrant à l'improviste. Outre sa propre énergie et son incomparable expérience, Hanns Porst pouvait désormais profiter aussi de l'ardeur titanesque de son fils dont il fit son (unique) associé.

En déblayant pour reconstruire les locaux de Photo-Porst, ils découvrirent des boîtes avec les adresses de 130 000 anciens clients. Dans l'enfer des bombardements, la maçonnerie, en tombant, avait protégé ces adresses des flammes. "Prenez-les toutes" dit Hanns Porst à l'époque, "il me reste l'amitié et la fidélité de centaines de milliers que j'ai bien servi. Ceci est mon capital". Avec ce capital, Hanns Porst et Hannsheinz Porst allaient vers  la réforme monétaire de 1948. L'industrie livrait les premières caméras. Les affaires repartaient.

Aujourd'hui, avec plus de 1000 collaborateurs, Photo-Porst est fier d'être depuis longtemps la plus grosse maison de photo du monde.

Beaucoup d'amis deviennent chaque jour de nouveaux membres de la grande communauté Photo-Porst. Ils savent tous, qu'ils sont très bien pris en charge par Photo-Porst, dont l'intérêt pour ses amis est loin d'être terminé avec l'achat d'un appareil photo, et qu'au contraire, il ne fait que commencer. Ils le confirment tous avec enthousiasme : "Photo-Porst aide plus ! "

*) "La promotion, motivation pour ceux qui s’efforcent " Editeur D. R. Sellin, maison d'édition économique de D. Th. Gabler, Wiesbaden.

 

H POrstSignaturesHans PorstPère et fils

Les marques

HAPO, contraction de HAnns POrst. Le logo évoque la ville de Nuremberg.

Hapo

Noris : cette marque/modèle sera utilisée pour très peu de modèles.

Spezial : une série de chambres sera baptisée ainsi en 1933. Idem pour "Uni".

Carena : La marque Carena originellement indépendante, sera racheté par le groupe Interdiscount, qui rachètera ensuite Porst. Les appareils marqués "Carena" seront donc de plus en plus présents dans les catalogues Porst. Pour autant, la marque Carena ne peut être considérée comme marque de Porst.


Les catalogues Porst / Porst Katalog


Catalogues
1925 (2)Catalogue1926 (3)Catalogue1927 (4)Catalogue1929 (6)Catalogue
1930 (7)Catalogue1931 (8)Catalogue1933 (10)Catalogue1933 (11)Catalogue
1934 (12)Catalogue1934 (13)Catalogue1935 (14)Catalogue1935 (15)Catalogue
1938 (18)Catalogue1938 (19)Catalogue1939 (20)Catalogue1940Catalogue
1948Catalogue1949 (26)Catalogue1950 (28)Catalogue1951 (30)Catalogue
1951 (31)Catalogue1952 (37)Catalogue1952 (39)Catalogue1953 (41)Catalogue
1954 (43)Catalogue1954 (44)Catalogue1954 (45)Catalogue1955 (46)Catalogue
1955 (47)Catalogue1955 (48)Catalogue1956 (49)Catalogue1956 (51)Catalogue
1957 (52)Catalogue1958 (54)Catalogue1958 (55)Catalogue1960 (59)Catalogue
1960 (61)Catalogue1961 (66)Catalogue1969Catalogue1971 (84)Catalogue
1973 (89)Catalogue1974-75 (91)Catalogue1980Catalogue1986-87Catalogue
1988-89Catalogue1989Catalogue1989-90Catalogue1990-91Catalogue
1991Catalogue1991-92Catalogue1992Catalogue1992-93Catalogue
1993-94Catalogue1994Catalogue1994-95Catalogue1996-97Catalogue
1997Catalogue1997-98Catalogue1998Catalogue


Arrivée du courrier
La Poste arrive
Traitement du courrier
Traitement du courrier
Publicité
Département de la publicité

Un jour chez Photo-Porst (catalogue 1933)


"Au début des opérations se trouve le facteur."

C'est une devise qui est valable pour toutes les affaires d'expédition. Il s'ensuit logiquement que le facteur est une personnalité très importante, chaleureusement accueilli. Et même chez Photo-Porst !
Même là, le facteur gravit l'escalier, trois fois par jour, si lourdement chargé, qu'en redescendant délesté de son fardeau, il donne l'impression de planer. Ainsi, le facteur et la société collaborent toujours avec plaisir.
Chaque lettre est remise aimablement par l'un et accepté par l'autre de la même manière, commençant ainsi sa "tournée " dans l'entreprise.
D'abord la lettre arrive au bureau du courrier. La pauvre ! Un couteau aiguisé l'ouvre comme le corps d'un hareng bien juteux pour en retirer les arêtes. Qu'elle contienne de l'argent ou toute autre chose sympathique, cela lui sera retiré insidieusement. Mais une annotation précise donne la garantie aux particuliers que tout arrive à l'adresse correcte et est enregistré dûment. Par la suite, la lettre ainsi tuée devient encore plus "marinée", elle est mise dans une chemise portant les coordonnées du service concerné. On peut s'imaginer que les chemises sont bientôt pleines et qu'elles sont apportées aux différents services avec beaucoup d'enthousiasme. Quoi que la lettre contienne : demandes de prospectus, commandes, demandes de délai de paiement etc..., chaque service sera aussi heureux de la recevoir pour la traiter.

Une personne prudente avant de devenir client demandera d'abord le catalogue et les listes des prix. Dans ce cas, la lettre sera transmise au service de la publicité. Il est situé au quatrième étage de l'immeuble de bureaux, où il a trouvé un beau domicile qui domine les toits noirs recourbés de la vieille ville. Le service de la publicité est le réceptionniste de la maison, il permet au public et à la société de faire connaissance. : "Voici M. Untel, et voilà Photo-Porst". En effet, il y a des gens qui n'ont pas encore acheté chez Photo-Porst et qui ignorent les avantages d'un achat. Ils veulent de l'information, des catalogues, des listes de prix - tout ce qu'un client potentiel souhaite. Et ils l'obtiennent toujours, bien sûr sans aucune obligation ! Ce n'est pas pour rien que le service de la publicité dispose d'un dépôt fantastique de superbes imprimés. Sur d'immenses étagères des brochures au sujet de tout ce qui concerne la photographie — rien que des créations d'une excellente qualité au niveau de la conception artistique, de la rédaction et de l'impression. Odeurs d'encre fraîche et de papier comme dans une grande maison d'édition. Des esprits diligents s'affairent sans relâche pour sélectionner la quintessence du sublime propre à satisfaire Sa Majesté l'amateur de photos. Et la lettre sourit d'un air satisfait de l'activité qu'elle a créée.

Drucksachenlager
Les imprimés
Correspondance
Le service Correspondance

Là-haut, au quatrième étage, au département de la correspondance,  la lettre d'accompagnement est en cours de rédaction. Ce ne sont pas seulement les lettres au sujet des catalogues qui y sont écrites,  mais toutes les lettres aux clients, en général. Là-haut, les dactylographes  de presque tous les départements sont réunies, car le son obsédant de leurs machines ne doit pas déranger le reste du personnel et entraver le travail. C’est comme des coups de marteau ! Comme les mitrailleuses dans un film. Et pourtant quand la porte de la "Korre" s’ouvre, il n’y a seulement que des machines à écrire claquant, leur grand nombre donnant l’impression d’un entrepôt d’usine.

Bureau
Bureau privé
Salle de cours
Salle de cours
Jardin sur le toit
Jardin sur le toit

La déception est facilement surmontée par la belle vue de quelques centaines de petits doigts soignés frappant à une vitesse vertigineuse les lettres amicales que chaque ami de Photo-Porst connaît. Le département de la correspondance écrit chaque année des centaines de milliers de lettres. Oui, des centaines de milliers. Rien n’est épargné pour conseiller les clients et répondre à leurs souhaits. Ils sont maternés.

Naturellement, on conseille et instruit aussi les clients Photo-Porst qui habitent Nuremberg. Personne n’est privé de la protection des bras de « mère photo ». Le scientifique spécialisé Dr. Naumann a son domicile dans les salles de classe de Lorenzerplatz. Comme novice, on se rend un jour, tremblant dans l’attente, dans la salle de cours, aux murs de laquelle sont accrochées de magnifiques photos prises par le maître Naumann. On le quitte comme un amateur éclairé, armé pour la vie photographique, avec une sureté que seul une connaisseur peut posséder.

Chaque chose a son centre, chaque organisme son cerveau - ou tout au moins quelque chose de ressemblant  au cerveau. Naturellement la grande maison de commerce Photo-Porst possède aussi un cerveau, un centre nerveux, « Le Central ».
Ici retentissent des sonneries fortes, d'autres faibles, des bourdonnements affreux, d'autres dignes d'un ténor, des lampes vertes ou rouges s'allument, des ronronnements et des soupirs, des sons stridents et des sifflements s'entendent. Toutes les lignes téléphoniques intérieures arrivent ici et sont mises en relation avec l'extérieur. La grande horloge centrale, vénérable chef de la très grande famille des horloges de magasin, commande depuis cette salle à ses sujets en battant la mesure, tic-tac, tic-tac, tandis que le système de signalisation, une merveille d'électrotechnique moderne, allume ses lampes de toutes les couleurs.

Registratur

Registratur

Registratur
L'enregistrement
Auftragsabteilung
 

Tout près, à côté du local mystérieux, se trouve "l'Expédition des lettres". Ici est apportée pour envoi la lettre de réponse qui a été finie entre temps. Il est procédé à la vérification de son contenu, pour savoir si tout ce qui le client voulait s'y trouve bien, si toutes les brochures demandées sont rassemblées. Une lettre Photo-Porst doit apporter de la joie et non de la frustration. Alors seulement, si tout est en ordre, le cachet rouge „Wer photographiert, hat mehr vom Leben !" est apposé sur la lettre.

Entre temps la lettre du client a cheminé dans la maison. Après examen, s'il s'agit d'une commande, elle peut aller directement au service des commandes. Ici, il est d'abord déterminé avec précision ce que veut le client, et parfois des informations incomplètes ont la chance d'être complétées.

Alors la lettre est transmise pour satisfaire d'autres départements. Dans le cas d'une demande d'échange d'appareil, elle sera remise au service des retours pour conseil, et si l' appareil est déjà envoyé, il sera examiné et estimé. Dans ce département spécialement créé pour cela, les marchandises retournées par le client sont soigneusement référencées dès réception et rangées dans une boîte pour un traitement ultérieur.
Mais revenons à notre lettre, plus exactement à celle du client. Tranquillement elle dit "Je suis fatiguée, je veux aller me reposer", récite un petit "Notre Père" et revêt un pyjama jaune soyeux dans un classeur et saute au lit. Où ? à l'enregistrement bien sûr.

Registratur
Le stock d'appareils
Registratur
Les bonnes affaires
Registratur
et les appareils d'occasion

C'est un service très intéressant où tous les échanges de correspondance de Aix-La-Chapelle jusqu'à Zynodczytz (Oberschlesien) sont soigneusement conservés dans de belles chemises.
Naturellement les personnes qui gardent ce trésor admirable sont extraordinairement dignes de confiance, puisque chacune peut écrire ce qu'elle a sur le coeur sans craindre que cela ne tombe entre de mauvaises mains.
Et sinon, les personnes qui s'occupent de l'enregistrement ont bien des avantages. Ce sont tous par exemple de braves petits graphologues. Ils apprennent aussi cela au cours des années, à force d'écrire. Aussi belles soient-elles à regarder les calligraphies ne sont pas toujours faciles à déchiffrer, ce qui est pourtant essentiel pour le nom. Si une lettre est classée sous un mauvais nom, alors "les carottes sont cuites" comme on dit.

Bedarfsartikellager

Bedarfsartikellager

Bedarfsartikellager

Bedarfsartikellager
Les entrepôts

Si vous avez besoin d'elle, il est alors naturellement pas possible de la retrouver. Et la correspondance avec les clients est souvent nécessaire.
Il est demandé encore plus à l'employé de bureau. Il doit tout savoir : De quel appareil-photo dispose le client, qu'est-ce qui a été écrit dans la lettre de réponse datée du 11 mai, où vit-il et bien plus encore. Il doit garder un oeil sur tout ces clients et ne rien oublier à leur sujet. S'il n'avait pas une mémoire si bien organisée, qui le saurait ? Mais dieu merci, il a une mémoire infaillible et tout se passe très bien. Il s'assure qu'aucun client, qu'il soit ancien ou nouveau, ne soit lésé lors de la distribution des trésors contenus dans les entrepôts Photo-Porst.

Un grand choix de nouveaux appareils, agrandisseurs et objectifs peuple les longs rayons de l'entrepôt des appareils. Ils portent tous encore la jolie robe de l'emballage original d'usine en papier de soie. Seuls les appareils portant la marque de la maison arrivent nus, car ils sont encore controlés, même si sur ceux-ci on ne constate pratiquement jamais de défaut.
Mais "tout est fait sûrement encore plus que sûrement !" est un vieux principe chez Photo-Porst, qui est suivi pour qu'aucune réclamation ne vienne obscurcir le ciel du client.

Les appareils et accessoires usagés sont stockés dans un entrepôt afin d'être vendus comme "occasion". (Naturellement, on parle du contenu et non de l'entrepôt comme "occasion")

Registratur
Préparation des commandes
Registratur
La facturation
Registratur
La facturation

De belles choses se trouvent là, n'ayant "d'occasion" pas grand chose à voir, mais la meilleure surprise, le clou du spectacle, est la liste des prix. Le coeur des connaisseurs se remplit d'allégresse parce que les bonnes affaires ne demandent qu'à se retrouver sur les rayonnages comme dans un grand magasin. Les amateurs de photo désargentés, soit à peu près tous, sont attirés comme une abeille par une tartine de miel. Les bonnes affaires des bons appareils sont forcément très actives, et il peut même arriver que les ventes d'occasion d'un modèle dépassent celles des nouveautés.

Il y a des clients qui ne peuvent pas garder un appareil photo plus d'un an, pas plus qu'une femme un chapeau. Ils doivent avoir le plus récent modèle d'un appareil photo et ils échangent compulsivement leur appareil contre un nouveau, même s'ils doivent renoncer au beurre sur le pain. Les modèles échangés trouveront des amateurs parmi la multitude de passionnés qui ne peuvent se permettre l'achat d'un appareil cher parce que leur budget pour la pratique de la photo est très limité. Pour ces gens-là, les bonnes affaires sont une bonne chose. Ainsi, la rotation rapide des appareils d'occasion est agréable pour les deux parties : vendeurs et acheteurs.

Les accessoires reçus trouvent dans l'entrepôt une maison accueillante. Tous les matériels, les négatifs (et les positifs) du film cinéma jusqu'à la plaque 40 x 50, des grilles de séchage à l'ampoule rouge, du plus petit pot de fixateur jusqu'à la bonbonne de révélateur, tout est là, sans aucun doute, bien trié par taille et par marque.
Et tout est surveillé ! On pourrait comparer à une cave pour les vins. Des hygromètres surveillent le taux d'humidité de l'air, des thermostats veillent à maintenir une température stable. La pénétration de la lumière du jour est empéchée, certaines choses pourraient l'aimer un peu trop.

Registratur
Contrôle
Registratur

Registratur

Auftragsabteilung
Service expédition

Ce serait magnifique que d'être autorisé à se promener tranquillement dans cet entrepôt, montagne d'or d'une chambre forte photographique et d'en sortir lourdement chargé. Le rêve de tous les amateurs de photo...

Les personnes en charge de la préparation des commandes doivent veiller à ce que la lettre, mentionnée à plusieurs reprises, ne reste pas sans effet et que les articles commandés soient assemblés pour un seul envoi. Et ils répondent à cette exigence avec rigueur. Ainsi une préparation rapide est garantie. Par conséquent, les produits photographiques sont livrés toujours très jeunes, à des semaines du moment où il leur poussera de la barbe et et leur dos se voutera (comme, malheureusement, il arrive parfois dans des affaires de photographies à faible volume de vente).

Chez Photo-Porst, chaque marchandise, dès son arrivée, reçoit un numéro secret, mais ce nouveau numéro n’est pas si secret que cela car le directeur et les vendeurs le connaissent quand la marchandise intègre les stocks. Les films, les plaques, le papier ont une durée de vie limitée.  Ce qui n’est pas vendu pendant la durée prescrite est détruit. « Une chose coûteuse » pense-t-on.
Mais c'est un principe qui a fait ses preuves, car le client Photo-Porst sait qu'il peut compter sur la qualité !

Packraum
Emballage
Packraum
Les paquets pour la Poste
Packraum
Le transport express
Packraum
Une camionnette

C'est bien dommage, mais il faut bien facturer tout cela. Alors tant qu'à le faire, autant le faire bien, n'est-ce pas ?
Pour cette raison, à la facturation, se trouvent de nouvelles machines merveilleuses qui calculent plus sûrement, plus précisément que ne peuvent le faire des cerveaux humains pas fiables. Et ainsi des erreurs de facturation sont évitées.
Mais rien n'est parfait sur cette terre. Et afin que l'envoi au client soit parfait et sans erreur, le service du contrôle a été créé. Il assume une grande responsabilité, car sa tâche est de réexaminer les envois et d'écarter avec une main de fer tout écart avec la commande. Ce n'est certainement pas une mince affaire.

D'une voix indignée, les contrôleurs se demandent si vraiment rien n'a été oublié de ce que son altesse le client a désiré, si les Film-Pack ont un nombre de plans correct, si la pellicule en rouleau ne risque pas d'être trop grande pour l'appareil du client.
Et gare à celui qui rate son contrôle ! Parce qu'il ira lui-même s'expliquer au troisième étage, sur l'Olympe d'où M. Hanns Porst, qui traite personnellement les plaintes, lance les foudres.

Toutes les réclamations sont préparées par la secrétaire particulière du chef et sont transmises à Monsieur Porst pour trouver une solution. Chaque plainte, même la plus petite est suivi avec attention. Et c'est essentiel, car les clients contents sont des clients fidèles, et des clients fidèles c'est la colonne vertébrale d'une maison de vente par correspondance !

Non, il n'y a pas de monstre dans l'entreprise Photo-Porst. Il ne vient à l'esprit de personne d'envoyer dans le grand monde les appareils et les accessoires dans leur emballage d'usine, juste avec un sous-vêtement de papier de soie. Pour leur grand voyage, ils sont bien enveloppés dans un petit manteau qui les protège de tous les dommages. Dans la salle d'emballage, les affaires sont enveloppées avec amour et soin, comme il va de soi pour les futurs favoris des amateurs de photo. Prêtez-y attention si vous recevez un colis Photo-Porst ; c'est une joie de le déballer.

Packraum
Réception
Packraum
Comptabilité supérieure
Packraum
Comptabilité
Packraum
Comptabilité

Chaque midi, à 12 heures précises, la grande voiture rouge de la Poste apparaît. Bien sûr Photo-Porst a sa propre tournée. Sur de longues rampes, le paquet arrive facilement dans la voiture et part immédiatemment à la poste. Mais le service d'expédition continue à produire de nouveaux paquets en quantité non négligeable. Naturellement, ces petits nouveaux doivent aussi tous aller à la poste, et des fourgonnettes Photo-Porst, sur la route de l'aube au crépuscule, s'en occupent.

Chacun en achetant chez Photo-Porst, reçoit un compte. Pourquoi ?
Si nos clients recoivent un compte, c'est avant tout pour que soient conservées les traces des affaires les concernant. Vous ne savez jamais si M. Untel ne deviendra pas un jour une célébrité. 
Les générations futures regarderont avec émotion son compte Photo-Porst et diront avec fierté « Regardez, M. Untel a déjà photographié »
Et donc, nous créons un compte pour chaque client qui doit aussi servir, malheureusement, à des fins plus pratiques. Tous les paiements, et tous les sortie de marchandises y sont consignés, comme vous le feriez avec des comptes ordinaires. Il permet de savoir, clairement tapé à la machine à écrire, ce que possède Monsieur le client, et d'avoir en stock les accessoires qui pourraient lui être nécessaires.

Les machines à calculer de la salle des machines, toute proche, martèlent toute la journée, débitent, créditent et comptabilisent, et à ces louables fins noircissent de chiffres de longs rubans de papier.

Speisesaal
Salle à manger
Speisesaal
Salle de réunion
Speisesaal
Salle de réunion

Veuillez m'excuser que je ne referme pas la présentation maintenant, puisque les parties de l'entreprise qui ont été concernées par la chère lettre du client sont maintenant dépeintes. Mais pourtant, il reste certaines choses devant lesquelles ma machine à écrire ne peut rester insensible :

Les employés trouvent au réfectoire, une nourriture bonne et bon marché, particulièrement pour les apprentis, qui recoivent un déjeuner avec trois plats, pour 22,5 pfennig, avec l'aide d'une contribution de la part de la société. Et il y a quelques apprentis en pleine croissance, qui sont rassasiés après l'absorption de leur repas.

Et maintenant, mesdames et messieurs représentez-vous pour une fois, comme étant réprésentant d'un grossiste d'albums photo et que vous deviez rendre une visite à l'entreprise Photo-Porst. Il peut arriver que l'homme auquel vous souhaitez parler pour lui "refiler la camelote" de votre société est déjà occupé.
Que faites-vous ? Vous allez au salon d'attente, et faites comme si vous étiez chez vous. Vous êtes invité à passer dans la salle de réunion pour y proposer vos excellents albums à des prix défiant toute concurrence. Si jusque-là vous étiez un piètre orateur, ici votre langue va se délier. Votre discours sera enflammé et audible comme ceux de Démosthène parce que les salles de réunion sont agréables et de bon goût.

Dunkelkammer Dunkelkammer
Dunkelkammer Dunkelkammer

Last, not the least, la chambre noire. Hanns Porst a acheté pour sa chambre noire, tout ce qui se fait de plus moderne et de plus productif sur le marché. Pour lui le meilleur a toujours été ce qui lui semble bon.

Et pour les opérations pour lesquelles il n'existait que des machines imparfaites, des dispositifs spéciaux ont été conçus en suivant les recommandations personnelles.

"Un travail professionnellement et artistiquement irréprochable" est la devise des jeunes apprentis, qui doivent aider dans la chambre noire. Et à la mesure de cette devise, tournent les tambours de lavage, dans lesquels les films sont suspendus dans l'obscurité, bourdonnent les machines de séchage, claquent les capots des tireuses. Des "clients satisfaits" est tout ce à quoi aspirent employés et équipements, chambre noire et immeuble de bureau. "Clients satisfaits" frappent les machines à écrires, sonnent les téléphones, fredonnent les machines, bruissent les papiers, chuchotent les appareils photos, klaxonnent les voitures et "clients satisfaits" dit l'apprenti "Habakuk" au concierge Kraus, "zfriedni Kundn möi ma hom, brang mal" ("Des clients satisfaits, c'est ça qu'il nous faut" en dialecte local).



Karl Ewald Böhm

(article traduit avec l'aide inestimable de membres bénévoles du forum de Freelang)



Les locaux à Nuremberg avant-guerre

• Le premier magasin, en 1919

Façade 1919

 

• Le second magasin, du 18, Hauptmarkt Strasse

La présence du caducée sur la porte laisse supposer qu'il s'agissait précédemment d'une pharmacie.

Hauptmarkt

• En 1924, un magasin spécialisé dans le cinéma s'ouvre au 1, Augustinerstraße

Magasin Ciné

• En 1924, Porst achète un très grand magasin (avec 11 vitrines !), situé Lorenzenplatz

Lorenzerpl

• En 1927, le bâtiment de la Bergauerplatz est reconstruit.

bERGAUERPLATZ

bERGAUERPLATZ

• 1937, Hanns Porst acquit un immeuble de bureaux de 5000 m² situé Veilhofstraße.


Les locaux à Nuremberg après-guerre

A défaut de réel logo, Porst utilisera comme substitut des images de ses locaux, ventant ainsi une puissance proportionnelle à la surface de ceux-ci. On peut également y voir le symbole de la fierté du décollage économique de l'Allemagne.

En rangeant chronologiquement les catalogues, on peut suivre l'expansion du siège de la société.
Voigtlander Strasse Immeubles

Voigtlander Strasse

Voigtländerstraße 4

Catalogues 39 à 41 (1952 - 1953)

La grande façade donne sur la Veilhofstraße. Au fond se trouve la Voigtländerstraße. A gauche, il y a la Zeiss-Straße

Voigtländerstraße 3
  Immeubles  
 

Catalogues 43 à 45 (1954)

L'aile, coté Zeiss-Straße est prolongée.

 
  Immeubles  
  Catalogues 46 à 49 (1955-1956)

Une nouvelle aile est ajoutée, avec vue sur la Wöhrder See.
 
  Immeubles_1960  
  Catalogues 52 à 61 (1957 à 1960)

L'angle de présentation change, mettant en avant l'aile moderne du bâtiment.
 
     
  Aujourd'hui, ces bâtiments existent toujours et sont visibles sur Google maps.  

 



L'intérieur des locaux

Immeubles




 

Intérieur du magasin d'Hauptmarkt 18 en 1925

 
Immeubles  

Atelier de réparation en 1952

 
   
   
   
   
   
   


Les (étranges) véhicules Photo-Porst

Camion 1925

Voiture 1925

Camionnette 1929

Cobi

Magnifique Combi type 2 en 1951

camion

Camion 1952 et sa remorque en forme de Box Agfa.

 

camion
Camion

Camion en 1953, sur la base d'un bus Man MKN, de 1951. Moteur de 8 litres, pour 120 chevaux. Nez "alligator". Il a un compartiment à bagages sur le toit.

 

Camion

Camion de 1955, sur la base d'un bus Büssing, accompagné de son extension, reliée par un soufflet.

 

 

Dans les catalogues du début des années 60, Porst cite un article du Spiegel, tout à son honneur. On verra que quelques années plus tard, après la découverte des idéaux politiques du fils, le Spiegel sera moins positif.

Der Spiegel Faire ses achats depuis sa table de cuisine

Quand il était jeune homme, en 1914, Hans Porst gagnait 120 marks par mois dans un bureau municipal. Après son retour à la vie civile en 1919 il crée, avec un capital de 600 marks, un magasin de photographie sur la Lauferplatz à Nuremberg.
Dix ans plus tard, Porst dégage un chiffre d'affaire annuel de 2,6 millions, et en 1939 il vend déjà pour 7,9 millions de marks ! Chez Photo-Porst les employés avaient une formation spéciale à propos de la correspondance : il leur était demandé de sourire en dictant les lettres. Un secret est révélé par le service de vente par correspondance : il y a un pic de commandes le lundi. Car c'est justement le dimanche que les clients décident de faire leurs achats sur catalogue. Sans précipitation, la famille entière peut choisir son matériel et comparer plusieurs articles. Le "Photohelfer" (littéralement l'assistant photo) qui autorise cette sélection possède un tirage de 8 millions de copies (Margret Mitchells dans "Vom Winde verweht" parle de 10 millions).
Un autre avantage chez Porst est l'anonymat du crédit. Personne n'est jamais informé : Photo-Porst s'engage à ne jamais demander la moindre justification, pas même au patron ! Environ 90% du volume des commandes se fait en paiement fractionné.
C'est ainsi que Photo-Porst a pu, l'année dernière, accroître son chiffre d'affaire à plus de 40 millions de Marks.

NDLR : en 1958 le chiffre d'affaire atteint 88 millions, constituant ainsi 20% de part de marché dans le domaine de la photographie. La cohésion de la "communauté" Porst permet le rayonnement de la région de Nuremberg dans la vulgarisation photographique.


Une visite de la maison PHOTO-PORST (catalogue 1960)



Ein Besuch


Afin que vous puissiez voir ce que recouvre l'appellation de "plus grand magasin de photo du monde", nous vous montrons ici une vue en coupe de ces bâtiments immenses.Ombres
Vous ne voyez cependant que l'aile sud du service d'expédition de Photo-Porst (environ un cinquième de l'ensemble). Plus de 1500 collaborateurs ont la fierté et le bonheur de travailler au profit de nos clients.

Ein Besuch im Hause PHOTO-PORST

Dans l'attrayant espace d'accueil se rencontrent d'innombrables "Photo-Porst Freunde" (littéralement les amis de Photo-Porst), de tous horizons.
Deux fois par jour, à 10 h 00 et à 15 h 00, de charmantes hôtesses font visiter à nos invités le plus grand magasin de photo du monde, et leur font découvrir en détail l'organisation exemplaire du Service-Client.




Besuch 4 Cette photo en couleurs montre un aperçu de l'immense entrepôt de Photo-Porst, où sont stockés les appareils. Ici attendent, soigneusement entreposés dans leur emballage d'origine, des milliers d'appareils. Ils seront ainsi acheminés chez "sa Majesté le Client". Le premier qui réveillera la "Belle au Bois Dormant" dans son écrin sera le bienheureux destinataire lui-même.

Tout d'abord, soyez les bienvenus chez Photo-Porst ! Quand vous viendrez à Nuremberg, téléphonez-nous depuis la gare : composez le 5-4-3-2-1, Photo-Porst se fera un plaisir de vous envoyer une voiture qui vous conduira à notre maison d'expédition rue Veilhof, entre la rue Voigtländer et la rue Zeiss.
Avant de vous accueillir dans nos bâtiments entourant la Hanns-Porst-Platz, vous jetterez un coup d'oeil au département d'expédition des Ventes sur Catalogue, situé à l'étage en dessous. Ici, les nombreux souhaits de nos clients sont exaucés grâce aux envois que font les "Photoelfer" (assistants photo) : vous pourrez voir les enveloppes à l'adresse des clients, remplies avec soin, ainsi que les milliers d'articles en attente d'expédition. Ici aussi sont gravées les adresses de nos clients sur plaques métalliques. Ici encore, crépitent les machines à adresser, et vrombissent celles destinées à l'affranchissement. Votre nom, cher lecteur, est ici déjà enregistré de façon pérenne : c'est ainsi que le département des expéditions est le plus important de la maison (c'est en tout cas ce que pense le chef de la publicité...).

Besuch 5
Photo-Porst a fait émerger un tout nouveau genre de vendeur photo : le correspondancier aimable, qui est en relation postale avec des "Photo Porst Freunde" éloignés de nombreux kilomètres. Ses conseils précieux, dictés sur magnétophone, seront systématiquement relus noir sur blanc par de charmantes employées chargées de les consigner par écrit à la machine.

Maintenant, nous allons monter l'escalier, traverser l'immense centre téléphonique avec sa "pièce de mise en relation" (ainsi nommée en raison de la présence du standard automatique permettant l'interconnexion entre plus de 300 lignes internes, pour nous rendre dans le bureau personnel du consul Hanns Porst, lequel va nous recevoir avec sympathie et amabilité puis nous guider dans le labyrinthe que constitue le complexe Photo-Porst.
"Vous pourriez dire bonjour, comme mon fils" pense Hanns Porst en nous conduisant dans le cabinet de travail de Hannsheinz Porst. Celui-ci a justement un entretien avec le directeur financier Treiber. Ce dernier ne s'occupe pas seulement de la politique financière de la maison, mais aussi de l'optimisation fiscale. Il est clair qu'il n'y a rien de plus important chez Photo-Porst que la direction des finances (selon ce que pense Mr Treiber).

Besuch 3
Pleins d'entrain, les employés et les charmantes dactylographes, investis de leur mission, s'affairent pour étonner chaque client de leurs conseils et services, tout autant agréables que sympathiques, afin que pour chaque besoin en matière de photographie il se retourne volontiers vers Photo-Porst et ses employés.

Mr Kraft, qui nous a rejoints, a un autre avis sur la question : de son point de vue de directeur des ventes, sans vente il est impossible de générer un flux financier. C'est pour cette raison que la direction des ventes serait de loin la section la plus importante de la maison Photo-Porst (ainsi pense Mr Kraft). Cependant, quand Hannsheinz Porst demanda "et à qui vendons-nous ?", tout le monde fut d'accord pour dire que le plus important était de choyer les clients de Photo-Porst : leurs commandes nous apportent notre pain quotidien et leur amitié fait notre joie.

Maintenant nous souhaitons poursuivre notre périple par la visite de l'entrepôt des appareils. Toutes les choses rêvées, créées par l'industrie photographique allemande, de renommée internationale, sont ici empilées sur une infinité d'étagères rutilantes. Chaque article est encore dans son emballage d'origine : ainsi protégés, le client les reçoit avec l'assurance que des mains malhabiles n'auront pas manipulé son cher appareil.

Avec chaque appareil, Photo-Porst propose une année entière de garantie, nous précise Mr Böhm, le directeur des achats et responsable des stocks, le secteur le plus important de la maison Photo-Porst (comme en est persuadé Mr Böhm).

Afin que chaque appareil se retrouve dans les bonnes mains, et que chaque client reçoive le bon appareil ,les conseillers techniques et les correspondanciers seront aux petits soins pour vous ! Chacun de ces collaborateurs qualifiés a en charge un groupe de clients précis, dont il s'occupe exclusivement.

Nous nous préoccupons aussi de nos apprentis. Avant le travail quotidien, rien de tel qu'un peu de gymnastique. Qui ne viendrait pas travailler ici avec un plaisir redoublé ? Besuch 6

C'est ainsi que chaque "Photofreund" est guidé et conseillé en particulier, comme si Photo-Porst n'existait que pour lui, et lui seul. Il arrive aussi qu'un client nous ayant exposé ses besoins, acquière la conviction suivante, en lisant les premières lignes d'une lettre de Photo-Porst : Photo-Porst reçoit tes souhaits avec une joie toute personnelle. C'est pour cela que le département des Conseillers Techniques Spécialisés et des Correspondanciers est vraiment le plus important de toute la maison (pense le Directeur du service, Mr Weber).
La satisfaction du client tient extrêmement à coeur à notre société, même une fois la vente conclue. Voici maintenant pourquoi un achat chez Photo-Porst constitue un plaisir éternel : nous offrons pour chaque achat, une assistance gratuite et sans limite de temps. Notre département "correspondance" vous apportera un conseil personnalisé, dans tous les domaines de notre "belle photographie". Pour les questions délicates, nos propres experts sont à votre disposition, en synergie avec la rédaction du "Nürnberger Phototrichter", lequel informe les "Photofreunde" grâce à des articles sur les nouveautés du marché de la photo, et apporte son conseil issu d'études récentes sur la photographie et ses domaines d'application. Ainsi, les services de courrier et d'assistance, associés à la rédaction du "Phototrichter" sont les plus importants de la maison Photo-Porst (pense le directeur de publication).

Mr Weber, l'aimable directeur du département Correspondance, connaît bien l'importance du courrier pour le service Clients : la parole écrite est réfléchie, toujours à disposition pour un usage ou pour vingt. Besuch 7
Ici, au bureau des Expéditions, dirige et règne Mr Helmut Jakob, soutenu par de nombreuses petites mains affairées. Sa bonne humeur, ainsi que celle de Klaus Dieter (un de ses pivots), pourrait presque être l'exemple de la gentillesse dont font preuve nos amis du service des envois. Besuch 7
Cela fait du bien ! Grâce aux bons petits plats de la cuisine d'entreprise, on entretient l'équilibre intérieur, lequel est si important pour apporter un service de qualité aux clients de Photo-Porst. Ainsi l'accompagnement social des employés est mis au premier plan par l'entreprise. Besuch 7

Dans le nouveau bâtiment administratif de 7 étages se trouve également une agréable salle-à-manger, destinée aux employés. A côté se trouve une grande salle, tout autant claire et accueillante. De prime abord, on pense avoir atterri dans une école moderne, mais il s'agit en fait d'une des salles de classe de la maison Photo-Porst. C'est ici que sont informés les employés de toutes les nouveautés dans le domaine de la photographie et des émulsions. C'est ici aussi qu'ont lieu les formations pour les correspondanciers, où le maître-mot est : amabilité !
Nous nous rendons maintenant au sous-sol, là où s'affairent les agents de préparation des colis. Ici on prépare les appareils, encore dans leur emballage d'origine, en vue de leur acheminement. De là, les colis partent chez leur destinataire. C'est pour ça que le service d'Emballage et d'Expédition sont aussi la partie la plus importante de la maison Photo-Porst (pense son chef).
Nous allons ensuite dehors, dans la grande cour, pour voir comment les colis sont chargés dans les véhicules de livraison : "Je dois m'occuper ici de 42 véhicules", précise le Chef Mécanicien. "Ils "boivent" chaque année au moins leurs 100 000 litres de carburant ! La nuit, ils "dorment" dans le garage souterrain. Mes préférés sont cependant les voitures rapides de société, de couleur verte, qui transportent plusieurs fois par jour les paquets entre notre service d'expédition et la gare centrale, à destination de nos "amis" (les clients)". Cela suffit à démontrer que la section Transport-Livraison est la partie la plus importante de la maison (pense le chef mécanicien.
La boucle est bouclée, et nous avons vu comment les employés se surpassent mutuellement au service de la clientèle. Cela ne nous étonne pas pour autant que chacun des quelques 1500 "Photo-Porstler" considère (avec raison), son secteur comme le plus important de toute la maison. Parce que chaque section constitue un pilier du pont doré reliant Photo-Porst à ses "amis" par le lien du coeur. Leur architecte est cependant Hanns Porst, mettant ainsi en application les vers du poète Goethe : "Pour accomplir les plus grands des ouvrages, suffit une tête et des milliers de mains".


"Photo-Porst arrêté"

Une du "Bild Zeitung" du 13 mai 1964.

Bild Zeitung


Der SpiegelHannsheinz Porst : "Pourquoi j'ai adhéré au Parti Communiste"

Hannsheinz Porst (1922-2010) était le fils de Hanns Porst. Successeur de son père à la tête du groupe Porst, il est accusé de fraude fiscale en 1964. En 1969, il est accusé de trahison pour ses relations avec la RDA. Il était secrètement membre du SED, le parti communiste au pouvoir en RDA et ami avec Markus Wolf, chef des services de renseignements de la RDA. Il sera condamné à 2 ans et 9 mois de prison. Hannsheinz Porst se défendit en refusant toute idée de trahison et en invoquant la recherche d'une meilleure compréhension entre les deux Allemagne.

 

 


Article du Spiegel de 1968

 




Deux mondes

Depuis 1958, Porst adhérait au SED. Pendant 10 ans, il n'en a pas dit un mot, même à son épouse. Secrètement, Hannsheinz Porst, 45 ans, un symbole du patronat libre, était un marxiste convaincu.

Der Spiegel
Porst, membre du SED, à Moscou :"J'aime et j'ai besoin de la réussite".

"C'est vrai" dit-il maintenant dans le Spiegel (voir page 29), "Je suis millionnaire et marxiste". J'étais simultanément membre du FDP et du SED (Sozialistischen Einheitspartei Deutschlands). J'ai donné de l'argent au FDP pour la campagne électorale et versé ma cotisation au SED. Je vis ici et j'ai eu des discussions politiques de l'autre côté.
Il est paradoxal, semble schizophrène : Dans la personnalité de Hannsheinz Porst, il y a la division allemande et une audacieuse volonté de vouloir combler ce fossé à lui seul. Il s'implique à l'est comme à l'ouest. L'homme, qui pensait à Marx et qui brassait des millions, voulait comme il le disait, « être pris au sérieux des deux côtés ».
Porst a construit à l'Ouest un petit empire financier (avec un chiffre d'affaire annuel de 145 millions) - la dernière année il a généré trois millions de marks de profit – tout en payant régulièrement sa cotisation au SED : 400 marks par mois.
Il vendait aux Allemands de l'Ouest des appareils photo et du café, et offrait à l'Est une aide pour faciliter la compréhension des actes politiques de la République Fédérale.

Médaille
Médaille est-allemande : pour un millionnaire

Il était le vice-président de la circonscription du FDP en Moyenne-Franconie et maintenait le contact avec la tête du parti – il tutoyait Erich Mende – tout en s'asseyant à la table du général de division Markus Johannes Wolf du ministère de la sécurité d'état (MfS - Stasi). Le hasard veut que le fils cadet de Porst s’appelle Markus, comme Wolf, mais aussi comme l’aîné d’Erich Mende.
Porst achetait des appareils photos bon marché au Japon pour ses clients, une Ford en Amérique, avec une ristourne de 800 dollars, pour lui-même, et à Budapest et Moscou, il bavardait en secret avec des hommes des services de sécurité de la RDA (SSD).
Son père, le fondateur de l’entreprise, a obtenu de la part de Theodor Heuss la Croix Fédérale du mérite première classe, il a reçu lui-même une médaille de la part du SED de Walter Ulbricht. Porst : « Je ne sais pas laquelle ».
Au début, il était gênant pour la branche professionnelle, qu’il a malmené en cassant les prix. Ensuite, comme ses égarements devenaient évidents, il est devenu gênant pour toute la République Fédérale."
Depuis octobre, une enquête est ouverte contre lui au Ministère public fédéral à Karlsruhe - sur la base de soupçons de trahison de par ses relations avec le MfS. Si ce délit est reconnu, il encourt une peine de prison de cinq ans.
De véritables histoires d'espionnage apportent chaque année aux Allemands, leur lot de sensations : Ainsi en 1960, lorsque Alfred Frenzel, député SPD au Bundestag, a été démasqué comme agent des services secrets tchèques, et en 1967, quand le lieutenant-colonel Jewgeni Jewgenjewitsch Runge, alias Kurt Gast, des services secrets soviétiques, résident en Rhénanie, fit défection et passa à l'ouest.
Les changements de bord politique n'ont cessé - ainsi le député CDU au Bundestag Karlfranz Schmidt-Wittmack en 1954 a choisi la DDR de même qu'en 1961, le professeur Walter Hagemann de l'Université de Munster.

Porst
Photo-Porst en double exposition

Une affaire Est-Ouest de l'ampleur de celle de Otto John n'est arrivée qu'une seule fois : L'ancien Président de l'Office Fédéral de Protection de la Constitution est soudainement réapparu librement à l'Est en 1954, ainsi qu'en a conclu la Cour Fédérale, et non pas enlevé comme a persisté à le dire Otto John.
Mais le cas Porst ne correspond à aucun de ces cas. Hannsheinz Porst ne se considère pas comme un espion, ne voulant pas fuir en Allemagne de l'Est, étant ainsi l'opposé de Otto John, et ayant toujours passé la frontière librement.
Cela rend le cas Porst spectaculaire : qu'un millionnaire se révèle être un marxiste, et remette en question les schémas de pensée devenus si chers à l'opulente société ouest-allemande. Si le gouvernement de Bonn ne peut même plus se fier à ses millionnaires, à qui le peut-il ?
Indépendamment de la question de savoir si Hannsheinz Porst a été trop loin et a violé les règles de protection de l'état, il émet des doutes quant à la classification confortable selon laquelle l'Est est l'Est et l'Ouest est l'Ouest et qu'une des deux républiques est mauvaise et l'autre bonne.
Un homme qui a servi aux allemands un plat de lentilles (d’appareil photo bon marché) et dont l’entreprise, malgré des crises lourdes, s’est transformée en un important groupe de sociétés (valeur aujourd'hui : 107 millions de marks),  provoque ce choc.
Appartiennent à ce jour au groupe :

  • › Photo Porst KG à Nuremberg, la maison-mère avec la vente par correspondance et 51 magasins (Le chiffre d'affaires annuel en 1966/67 : 59 millions de DM);
  • › Eurocop GmbH à Nuremberg, eine Großkopieranstalt (CA: 8,5 millions de DM);
  • › Maul+co à Nuremberg,10ème plus grosse société ouest-allemande d'héliogravure (CA :46 millions de DM);
  • › Brillen Porst GmbH à Cologne, avec 10 magasins d'opticiens à Cologne et Dusseldorf (CA : 46 millions de DM);
  • › Radio und Television Verlag GmbH à Nuremberg, qui imprime l'encart des programmes TV de 199 journaux quotidiens, avec un tirage hebdomadaire de 1 700 000 exemplaires (C.A.: 3 millions de DM)
  • › ex data GmbH à Nürnberg,un centre d'informations pour les petites et moyennes entreprises (C.A.: 6 millions de DM)
  • › Fernseh Porst GmbH & Co. KG à Hamburg avec 5 magasins spécialisés Phono (C.A.: 2,5 millions de DM);
  • › Porst Wohnungsbau oHG à Nuremberg, société qui gère 550 appartements appartenant à l'entreprise (revenu locatif 1967: un million de DM).

Les convictions politiques du propriétaire majoritaire ne furent jamais une gène pour le redressement de ce groupe, pas plus que sa vie privée avec son épouse Luise et ses enfants : Johannes, 24 ans, Matthias, 21 ans, Caroline, 13 ans, et Markus, 6 ans.

Porst

Porst, ami du FDP, pour un don durant la campagne électorale.
1961, avec le Professeur Theodor Heuss et Madame Margot Mende a Francfort.

Hannsheinz Porst vit comme les autres, dans une villa avec huit chambres, sur une terrain de 5 800 m², près du zoo de Nuremberg. Il s'entoure, comme d'autres des signes d'une vie aisée : commode baroque, sauna dans la maison, cabane et barbecue dans le jardin. Et il se permet, comme d'autres, une petite marotte, un enclos à faisan, qu'il appelle en se gaussant, l'"écurie de l'homme de la rue".
Ses plaisirs privés sont ceux d'un monsieur tout le monde, classique. L'"esthétiquement beau de la nature" le pousse vers la montagne et la randonnée.
Porst aime photographier, de préférence avec le "Rolleiflex".
Et il va à la pêche, mais pas "pêcher", parce que pêcher est « mouiller un ver » alors que lui se promène six kilomètres le long de l’eau à la chasse aux truites et ombres.
Et encore : rien n'est conforme dans la vie de cet homme. Son style de vie est en conflit avec ses idéaux de vie, sa réussite économique avec sa définition du succès, ses ambitions politiques avec le statut social. Il se considère comme une personne modeste où des sandwiches et le luxe ne se comparent pas. Mais le jeune entrepreneur qui sympathise avec l'ouvrier et le paysan derrière l'Elbe, pilote un bimoteur "Queen Air" (1,2 millions de marks), et a une maison en Suisse.
La contradiction s'exprime dans son aveu : "J'aime autant manger une soupe aux légumes que des huîtres."
Il se lève à six heures du matin, et souvent il travaille 20 heures par jour. Il dirige son entreprise avec des méthodes de management à l'américaine, il admet: "J'aime avoir du succès et j'en ai besoin."
Mais pour lui, savoir à qui profite ce succès - à lui-même, Porst, ou à une entreprise nationalisée - n'a aucune importance. Il aimerait autant, comme il dit, diriger les imprimeries centralisées de la RDA que son imprimerie maul+co à Nuremberg. Et il aimerait "bien plus être un PDG salarié dans une grande entreprise qu'un petit entrepreneur".
Il n'est pas seulement ému par la prospérité de l'entreprise ("Ce serait trop peu"), mais surtout par les contacts liés avec des personnes qui, ensemble, prennent plaisir avec moi à ces choses-là, par la compréhension réciproque.
Sa vision du monde est une utopie socialiste, une tableau idyllique. Il rêve d'un temps plus ouvert sans fronts idéologiques, et sa plus chère lecture est celle des expertises futuristes, les écritures sur l'avenir des gens. Il estime que son plus grand luxe est que chez Photo-Porst, tout n’est pas fait selon le coté rationnel, mais aussi en fonction de l’émotionnel, pour les gens.
Et son image de soi se reflète dans la devise : "Le passé m'ennuie, le présent m'est important, mais l'avenir me fascine."
Si l'actuelle incertitude qui pèse sur l'avenir de Porst est certainement fascinante, son passé, lui, ne fut jamais monotone.
Le père, Hanns Porst, âgé aujourd'hui de 71 ans, a abandonné à l'âge de 23 ans sa confortable place de greffier municipal à Nuremberg pour mettre toutes les économies (600 marks) dans un magasin de photographie et attirait les chalands grâce au slogan: "Qui photographie, profite plus de la vie."
Lors de cours du soir gratuits, il enseignait à sa clientèle comment photographier. Le nom de Porst devint populaire, et très vite l'ancêtre ajouta à sa boutique de photos un service d'expédition - le tout devint en 1939 le "plus grand magasin de photo au monde" (slogan publicitaire), employant 450 employés.

familie Porst
La famille Porst : Carte de noël de la famille Porst en 1967. Depuis la gauche : Luise Porst, née Wild, Johannes, 24 ans, Caroline, 13 ans, Markus, 6 ans, Hannsheinz Porst, Mathias, 21 ans et le chien Ringo.

La carrière du fils n’était pas plus exceptionnelle que celle du fils d'armateur qui, à la demande de son père, ne pourra diriger les navires qu'une fois qu’il aura été garçon de cabine. Hannsheinz Porst aurait dû être un ingénieur. Il est passé par le lycée de Nuremberg, a achevé un apprentissage d’outilleur, mais la guerre a modifié ses plans. Il a perdu, le dernier jour de la guerre, la vue de son œil gauche à cause d’éclats d'obus.
Le magasin et le centre d'expédition se retrouvaient sous les décombres. Mais à Artelshofen, en Franconie, où le jeune Porst se retrouvait bloqué avec son épouse, il développait son instinct d'entrepreneur. Ensemble avec l'imprimeur Hans Maul, il fonda l'imprimerie maul + co. - avec un opportuniste programme de production, les papiers à entête des agriculteurs.
Mais ils ne pouvaient pas imprimer, car il n'y avait pas de licence. Il y avait seulement la possibilité de faire de la reproduction. Il était indispensable d’avoir
un appareil de reproduction. Porst :  "Mais nous avons eu seulement un appareil photo ordinaire.  Je l'ai échangé contre une truie, puis la truie est parti pour un appareil de reproduction, et donc cela m'a apporté 50% des actions de la société ..."
Trois poules ont inspiré l'entreprise. Leurs oeufs fournissaient le blanc d'oeuf avec lequel devaient être recouvertes les plaques Rotaprint. C'est aussi la nature qui fournissait le reste. Comme il manquait des lampes à quartz pour l'éclairage, "nous sortions pour l'exposer au soleil puis nous revenions à l'intérieur". 

Médaille
La Croix Fédérale du Mérite de Porst

En 1948, quand les Porst purent rouvrir leur commerce de photos, le fils devint propriétaire de l'entreprise. Il s'ensuivit une croissance rapide (selon le vice-président Dieter Reiber, 41 ans). En l'espace de 10 ans, le chiffres d'affaires d'avant-guerre fut multiplié par 10. Sur 75 000 m² en périphérie de la ville de Nüremberg se développa une imprimerie d'héliogravure et sur un territoire de 60000 m² un lotissement d'habitations pour les employés. Aujourd'hui : 2 300.
La base de la réussite fut le fichier des 130 000 adresses de  clients de la vente par correspondance, sauvé des décombres. Ces anciens clients, puis tous les suivants répondant à l’appel de Porst, allaient voir le monde à travers le viseur.
Il s’adressait familièrement aux allemands ( Lettre publicitaire : « Comme nous l’évoquions la dernière fois avec mon père .. ») et encourageait les consommateurs à acheter (Lettre publicitaire : « Si vous ne commandez pas cette fois, je vais manger mon chapeau »)
Il attirait les clients avec des catalogues brochés et d’attrayantes conditions - aucun dépôt, jusqu'à 24 versements.
Mais au début des années 60, au moment où Porst Junior reprenait seul la gestion, survint un coup dur. Les concurrents qui avaient souffert pendant des années des méthodes de vente agressives de Porst, prenaient désormais Photo-Porst de vitesse. Alors que Porst devait imprimer dans ses catalogues les prix fixés par les fabricant, les revendeurs appliquaient une réduction de 15%. En deux ans, le chiffre d'affaires de Porst reculait de 80 millions de marks (1960) à 30 millions (1962).

Premier magasin
Le premier magasin Porst

Au printemps 1962 les deux banques bavaroises (Bayerische Staatsbank et Bayrerische Vereinsbank) de Munich posèrent un ultimatum à l'entrepreneur de Nuremberg : remboursement de l'emprunt de 16 millions de marks sous quelques jours.
Pendant toute une nuit, le père et le fils concoctèrent un projet d'assainissement. Puis Hannsheinz Porst alla à Munich pour calmer les banques avec un plan de financement qui prévoyait le remboursement total de la dette en 12 mois. Les banques se tinrent tranquilles - et reçurent leur argent ponctuellement pendant 9 mois. Puis le reste de la dette fut pris en charge par la BfG de Francfort (Banque pour le développement de l'économie).

Bébé
J'aime manger la soupe...

La rénovation a été rendu possible parce que Porst a changé radicalement de politique. Il a négligé la vente par correspondance et a mis en place une chaîne de magasins, souvent situés en face de revendeurs photos,  qui offraient des petits prix attrayants.
Il n’a plus acheté seulement des appareils de marque allemande, mais aussi des appareils de marques étrangères, vendus sous le nom de « Porst ». Sa marque propre lui a permis de fixer à volonté ses prix de vente.
Quand il vendait des produits nationaux, il cassait régulièrement les prix. Ainsi, il a proposé grâce des intermédiaires, le petit appareil  "Agfa Optima" à 95 DM au lieu du prix recommandé de 189 DM.  Agfa l’a supprimé de la liste de ses clients.
Lorsque des années plus tard, Porst fit l'acquisition de films inversibles couleur à un prix réduit de 27%, cela lui valut une amende de 150 000 DM.
Dans les hauts et les bas de la société Porst, l'on peut noter l'incident suivant : le 13 mai 1964 le PDG de l'entreprise fut arrêté à l'aéroport de Nuremberg en Allemagne. Accusé de fraude fiscale, il déclara : « je pensais ne rien faire de mal ». Il transférait les remises fournisseur sur un compte en Suisse au lieu de les enregistrer sur ses comptes Pertes et Profits.
Porst fut libéré contre une caution de huit millions de DM (la caution la plus élevée jamais versée dans l'histoire juridique allemande). Le verdict n'est tombé que l'année dernière : amende fiscale d'un montant de deux millions de deutsche mark et supplément d'impôts de 9,5 millions de deutsche mark. Porst déboursa d'emblée 6 millions.
Hannsheinz Porst supportait la détention provisoire, se rappelant les paroles de son père « Ne penses pas aux  grilles, ni à la porte fermée. Apitoie-toi sur le sort du gardien qui est en prison à vie. » Le vieil homme parlait d’expérience. Il avait purgé une peine de prison sous les nazis parce qu’il n’avait pas indiqué les réserves de charbon, il avait fait de la cabane sous les Américains pour avoir donné des réponses ambiguës aux questionnaires de dénazification.
La tradition familiale Porst de parfois désobéir aux autorités reste vivante chez Hannsheinz Porst. Comme il a mis en colère les fournisseurs en ne respectant pas les prix fixés, il s'était attiré les foudres du contrôle fiscal avec une comptabilité simple, comme il avait déjà, en tant qu’officier de DCA,  provoqué la colère de la Wehrmacht,  en tirant des grenades vers le ciel, lors d’une grosse attaque sur Nuremberg, contrairement aux instructions d’économiser les munitions. Sanction : combattre les blindés sur le front.
Les Porst se consacrent avec ferveur à leurs diverses entreprises entre de telles explosions de rage (le père Porst s’écrie :  „Nous ne sommes pas des abrutis, nous sommes des hommes“). Ces dernières années, Hannsheinz Porst a mis au point un système de management efficace qui est tout à fait inhabituel dans des  entreprises de taille relativement modeste, du moins en Allemagne.
Chacune de huit filiales de Porst travaille indépendamment et présente un plan quinquennal détaillé (sur les prix, le personnel, les investissements, le financement, les chiffres d'affaires et les bénéfices). L'exécution de ce plan est contrôlée par an une fois par le chef de consortium.  En dehors de cela, il reçoit sur son bureau des documents signalant tout écart supérieure à cinq pour cents. M. Porst déclare : « Cela m’épargne 85% de travail ».
La rationalisation, l'amélioration des performances, le succès - excitent Porst, comme les autres entrepreneur. Mais pour Hannsheinz Porst la réussite  ne signifie pas seulement de faire du profit.  « Le profit c’est de l’argent » dit-il « mais l’argent seul ne peut pas rendre heureux. L’essentiel est d’emmener vers le succès quelque chose qu’on a entrepris. »
Il aime dessiner des maisons, mais en construire ne serait-ce qu'une seule, cela ne l'intéresse pas. Et il donne un exemple : "Concevoir un appareil selon mes propres idées en se faisant plaisir, c'est bien plus beau et plus motivant que le fait qu'il fonctionne parfaitement."

Villa Porst
.. et j'aime manger des huitres : Villa Porst à Nuremberg

Cette façon de concevoir la réussite de l’homme à succès nurembergeois rappelle la philosophie de vie d’un horloger du moyen-âge tardif qui préfère écouter le tic tac de son œuf de Nuremberg que de vendre cette merveille à un riche marchand. Cela ressemble à la sagesse d’un Beau Brummell, qui voulait poser un regard satisfait sur lui-même devant un miroir, mais non pas être admiré dans les Salons.
C’est la clé pour comprendre le psychisme confus en apparence du marxiste millionnaire Hannsheinz Porst. Ceci peut expliquer pourquoi Porst est parti sur des chemins politiques peu avouables : à la recherche d’un Graal de sagesse politique qui paraît complètement fou dans une Allemagne séparée en deux. Son guide spirituel s’appelait Karl Böhm, et Böhm est communiste.
Böhm, un cousin du dirigeant du groupe, a grandi avec Hannsheinz Porst à Nuremberg. L’héritier de l'’entreprise qui avait 10 ans de moins que son cousin développait à l’époque une affection passionnée pour celui-ci qui se transforma plus tard en une idéologie politique partagée.
"D’habitude", dit Hannsheinz Porst aujourd’hui, "c’est le grand frère que l’on admire, pour moi cela a été le cousin Karl Böhm. » Et : "Il était tout simplement quelqu’un qui avait quelques années d’avance sur moi, avec qui on pouvait parler et dont la façon de penser a dû m’impressionner inconsciemment. 
Cela avait profondément impressionné Hannsheinz Porst quand son cousin Karl Böhm, en 1933, avait été interné par les nazis dans un camp de prisonniers. A son retour en 1939, et durant les années suivantes, alors qu'il travaillait pour Photo-Porst, ils entamèrent des discussions sur Marx et Engels, qui ne cessèrent depuis.
Karl Böhm était l'élément dominant dans la vie de Hannsheinz Porst, il est le personnage clé dans l'affaire Porst. Et un article que Böhm a fait publier en avril 1966 à l'Est dans le "Berliner Zeitung" sous le titre "Ami et ennemi" fait l'effet d'une épître cryptée. Il était inspiré par un série télévisée est-allemande dans laquelle le personnage principal, après un conflit cornélien entre un ami capitaliste et un ami communiste, finit par faire le bon choix en faveur de ce dernier.
A la lumière des convictions de Porst, cette croisade fait l'effet d'un mot entre cousins. Car ces amis, comme l'écrivait Karl Böhm, "se rangent jusqu'à l'ultime conséquence dans des camps qui sont mutuellement hostiles comme l'eau et le feu". Mais la question de savoir "si leur amitié était bonne ou mauvaise ne trouvera pas de réponse au niveau des actions et des sentiments subjectifs. C'est la cause elle-même qui juge de la qualité de leur amitié. Si elle est bonne ou mauvaise, l'amitié sera bonne ou mauvaise qui, au nom de cette cause, voire peut-être sous son mandat, apporte aide et soutien à l'indécis qui cherche dans le no man's land le chemin du bon côté."
Pour Böhm, l'ami de Porst, après-guerre, il ne subsistait aucun doute au sujet du choix du bon côté. Il a déménagé en 1946 en  l'Allemagne de l'Est. Et là, il a fait sa carrière dans la politique comme journaliste. Böhm a été  employé du Comité central du SED, puis chef adjoint du Département de la littérature et de l'édition au Ministère de la Culture de la RDA. Il a écrit un livre "L’espace, la terre, l'homme", qui a été remis  aux jeunes citoyens de la RDA lors de leur Jugendweihe (sorte de confirmation civile, à l’âge de 14 ans), et il a obtenu pour ses efforts littéraires le prix national de troisième classe (décoration de la DDR).
Ce citoyen méritant de l'Etat des ouvriers et des paysans reçut la visite de HannsHeinz Porst, citoyen méritant de l'Etat des capitalistes et des consommateurs, régulièrement à partir de 1947. Böhm lui a fait rencontré des gens de la Stasi. Porst a voyagé une bonne douzaine de fois à l'Est, parfois chez le cousin Böhm, parfois chez le général de la Stasi Maarkus Johannes Wolf, parfois à Moscou ou à Budapest, où il a rencontré des proches de Wolf. Hannsheinz Porst était utile aux hommes du renseignement est-allemand, pour rajuster l'image des conditions politiques et sociales dans la République fédérale qui était constituée d'une mosaïque d'informations et de rapports d'agents.
Grâce à ses engagements politiques dans les partis de l'ouest, à sa connaissance des principaux politiques du FDP, il se croyait prétendument à même de rendre les analyses du service secret est-allemand plus conformes à la réalité. En outre, ce voyageur entre deux mondes débattait nuit durant avec les amis du parti du SED sur le socialisme, le communisme ou le léninisme et de la réalité politique.
Au milieu des années 50, la visite en retour est arrivée : Alfred Pilny, soit disant réfugié de la RDA, mais en réalité agent de la Stasi, est devenu lecteur dans les imprimeries Porst. Pilny, 50 ans aujourd'hui, était spécialiste des langues anciennes et avait travaillé dans un département du Ministère de la Culture de la RDA, dont Karl Böhm était Directeur Adjoint. A l'Ouest, il fut membre du FPD, et a été momentanément précepteur des enfants Porst. Il relança les contacts entre ses employeurs de l'est et de l'ouest.
Pilny ne s'est pas montré assez compétent dans la compréhension des relations politiques. La Stasi de Berlin-est a envoyé un agent plus sage, il se nommait Il se nommait Hans-Kurt Findeisen, vivait à Oberschleissheim près de Munich, et travaillait comme comptable chez MAN.
Elle envoya un troisième homme : Peter Neumann, 46 ans. Il a travaillé à partir de 1952 chez Porst et est devenu en 1954 le secrétaire personnel, puis prit en 1960 des intérêts personnels en Suisse chez Porst. Entre les deux, il s'est développé une relation similaire à celle entre Porst et le cousin Böhm.
Ce "quator", comme l'appelle le procureur général, a éclaté avec l'arrestation de Pilny, le 19 octobre dernier. Findeisen avait disparu lorsque les policiers de la Kripo sont arrivés. Neumann s'est présenté spontanément au parquet fédéral. Le mandat d'arrêt contre lui n'a pas été mis à exécution. Il pourrait retourner en Suisse aussitôt après avoir fait déposé.
Porst a appris par hasard l'arrestation de Pilny, en voulant récupérer un livre chez lui. Mme Pilny lui montrait le mandat d'arrêt, et Porst l'a su à ce moment-là, comme il dit : "qu'on me demanderait maintenant quelque chose, mais je ne m'attendais pas à une arrestation."

Porst sen
Porst senior (1). Après 52 jours de détention préventive ...

Le père de Hanns placarde une affiche dans son usine, annonçant la libération de son fils.

C'est arrivé le 24 octobre. Alors que Porst quittait le bureau du Dr. Henny Schmidt-Schencke - spécialiste en psychiatrie et psychothérapie - et ouvrait la porte de sa voiture, "une armoire à glace s'est approchée et m'a dit : "Monsieur Porst, puis-je vous parler s'il vous plaît ?" Je lui répondis : "Oui, allons à mon bureau". L'armoire à glace : "Non, allons au mien'".
Ce fut au siège de la police. Là, un juge lui a lu le mandat d'arrêt alors que des policiers fouillaient son appartement personnel. Ils ont recueilli des cassettes, des notes, un vieux calendrier, en présence de Mme Luise, qui n'a appris l'activité politique secrète et l'appartenance au SED de son mari que lors de l'arrestation de celui-ci.
Après 52 jours de détention provisoire (Porst: "Pour un peu, j'aurai trouvé cela presque parfait"), il a été libéré sous caution (un million de DM). Le ministère publique fédéral publiait au sujet du procès : "Activités séditieuses dans le but de recueillir des renseignements politiques confidentiels pour le ministère de la sécurité de Berlin-est."

Voiture américiane
.. contre un million en liberté. Porst junior à sa sortie de prison.

Lors de son retour aux affaires, Hannsheinz est accueilli par un membre du conseil d'administration.

Bien sûr, "activité séditieuse" est une notion très large, c'est en tout cas moins grave que la trahison, pour laquelle il y a la prison, et c'est en tout cas plus qu'un simple échange impuni de points de vue sur les problèmes Est-Ouest tel que les visiteurs ouest-allemands de la foire de Leipzig le pratiquent. La question décisive pour l'issue du procès sera en fin de compte de démontrer que l'entrepreneur Porst, sur l'activité duquel le ministère public fédéral n'a jusqu'à présent pas donné de détails, avait conscience d'agir en toute illégalité.
Sans aucun doute, Porst savait que ses interlocuteurs à l'Est étaient des agents de la Stasi. Il savait que Pilny et Findeisen étaient des agents professionnels.
La question centrale est de savoir si le but recherché, selon ses dires, par ces rencontres, à savoir le rapprochement Est-Ouest et vice-versa, l'empêchait de réaliser que la RDA était un Etat de non-droit.
Porst pense qu'il pourrait s'en tirer sans dommage, peut-être même sans audience, pour lui-même et son entreprise. Certes les autorités de Berlin, après l'arrestation de Porst, ont annulé la licence de la société Eurocop GmbH, du groupe Porst, de photographier dans les écoles et les jardins d'enfants. Certes un ouvrier d'Essen a démoli une vitrine du "traître". Mais l'entreprise est en plein essor, mieux qu'avant la nouvelle affaire Porst. D'octobre à décembre de l'année dernière, alors que l'entrepreneur était en garde en vue, les allemands ont dépensé 48 millions de DM chez Porst pour des biens et des services, soit 20% de plus que le dernier trimestre de l'année précédente. Photo Porst et Eurocop ont augmenté leurs ventes de 40%. Hannsheinz Porst: "Un excellent trimestre."
La "Bank für Gemeinwirtschaft" qui avait fait un crédit de 6 millions de DM à l'entreprise, a déclaré la semaine dernière : "Nous ne voyons aucune raison de changer de décision sur l'octroi de prêts. La situation économique de l'entreprise de Nuremberg est considérée comme positive".

Agent Pilny
Agent Pilny, tuteur de la Stasi

Et Porst ne pense pas à vendre, bien qu'il veuille retourner en RDA dès qu'il y sera autorisé. Mais en République Fédérale, il se sent à la maison. "Je crois toujours que la République Fédérale est un pays où les pensées différentes de la ligne officielle, peuvent être prises en compte. "
Maintenant Porst n'a plus de parti. Il a devancé une éviction du FDP en démissionnant. Le jour même, dans une lettre à son cousin Böhm il renonçait à son affiliation au SED, ce qui était légalement interdit.
Il n'est pas condamnable en RFA du fait de son adhésion au SED. Il en serait tout autrement s'il avait un grade officieux dans la Stasi de Berlin-est comme l'a publié la semaine dernière "Die Welt". Porst : "N'importe quoi !".
Qui est-il : un somnambule entre l'est et l'ouest, un marxiste pur et dur dans la République fédérale, un courageux allemand de bonne volonté ou un commerçant qui voulait prendre une réassurance - le bon sens populaire des Allemands, dont on connaît les conséquences fatales, préfère sans doute la dernière catégorie, la plus commode.

Un homme qui est aussi marxiste et millionnaire lui a rendu hommage. Jean-Paul Sartre a envoyé la semaine dernière un exemplaire de son livre "L'âge de raison" et l'a dédicacé "Pour Hannsheinz Porst, dont je connais la position courageuse, avec ma sympathie la plus profonde."

 

Je suis millionnaire et marxiste

par Hannsheinz Porst

Article du Spiegel de 1968

C’est vrai, je suis millionnaire et marxiste. J’étais un membre du FDP (Freie Demokratische Partei - parti libéral de RFA) et parallèlement, je faisais partie du SED ( Sozialistischen Einheitspartei Deutschlands - Parti socialiste unifié d'Allemagne, c'est à dire le parti communiste au pouvoir en RDA). J’ai donné de l’argent pour la campagne électorale du FPD, et en même temps, j’ai payé mes cotisations au SED. Je vis ici, et je participe au débat politique.
Est-ce que cela se contredit ? Je ne crois pas.
Je ne souhaiterais pas parler du ‘Déclin de Porst’, mais de moi. Je suis de Nuremberg. C’est ici que se trouvait la société de mon père, c’est ici que j’ai grandi. Les jeunes gens ont un enthousiasme surdimensionné, ce n’est pas un manque, c’est une nécessité. Normalement, c’est le frère aîné que l’on admire, chez moi, c’était le cousin Karl Böhm.
Il ne s’agit pas d’une dispute de jeunesse dont Karl aurait été l’objet. C’était quelqu’un que j’avais connu quelques années auparavant et avec lequel on pouvait parler, et dont la façon de s’exprimer m’avait inconsciemment impressionnée.
Un jour, le cousin Karl disparut, les Nazis l’avaient interné à Dachau, car il était communiste. J’avais onze ans à l’époque, et lui vingt et un. Tout ce que cela signifiait m’était difficilement envisageable. Il m’était difficile d’admettre que quelqu’un de mon propre entourage ait risqué sa vie pour ses convictions. La situation était tout simplement  incompréhensible et l’on ne devait pas en parler.
Après six ans de camp de concentration, on le relâchât  grâce au témoignage de mon père Hanns Porst en sa faveur et à la promesse de l’accueillir dans son entreprise. Mon père n’était pas un homme engagé, mais était capable de reconnaître un ‘homme bien’ quand il le voyait. Cela ne l’effrayait pas de côtoyer quelqu’un aux idées non conventionnelles ni du qu’en dira-t-on.
De mes contacts avec l’Allemagne de l’Est et de toutes ces années, il n’en a rien su. Cela m’a enseigné ce que l’on doit faire et ce que l’on pense être vrai. Si j’avais pu tout lui dire, il en aurait été étonné, mais je devais lui mentir … On ne peut pas, malheureusement, tout épargner à ses parents.
Karl était de retour, mais de cela on ne devait pas en parler, encore moins qu’avant. Ensuite, je fus le seul à partir à la guerre. En 1941 je fus enrôlé comme opérateur radio et ensuite officier dans l’artillerie antiaérienne, puis engagé dans l’armée de terre pour combattre les chars russes. J’ai été blessé le dernier jour de la guerre à Berlin.
Karl avait aussi surmonté beaucoup de choses dans sa vie. Il avait survécu à la guerre dans un bataillon disciplinaire. Nous nous rencontrâmes de nouveau à Berlin. Enfin, nous pouvions parler de tout.
Je croyais à l’époque que cela aurait été mieux si nous avions gagné la guerre. Böhm avait une autre opinion. Ce n’était pas un fanatique, il était trapu et heureux portant des culottes de cuir traditionnelles. J’apprenais de mon cousin que l’on peut vivre des conflits sans devenir ennemis.
Deux conditions étaient essentielles, une grande ouverture d’esprit et une confiance non entachée par la peur. Cet apprentissage n’était pas encore acquis. Nous parlions à l’époque des nuits complètes, comme tout le monde, et je comprenais pourquoi Karl Böhm ne reniait pas ses idées politiques. J’étais sûr qu’il avait eu raison de résister, même si cela paraissait insensé.
Comme tous ceux de notre génération, nous ne voulions pas seulement changer notre propre situation, mais la situation de notre pays, parce que maintenant tout devait changer. On ne pouvait, après ce qui c’était passé, faire comme si de rien n’était.
La plupart des gens avaient compris que l’on ne devait pas se laisser forcer à aller au front. Nous étions presque tous décidés à ne plus jamais avoir une arme dans la main. Nous étions sûr que nous ne pourrions plus jamais nous laisser entraîner par des discours nationalistes. Si Böhm développait ses idées d’une société libre et juste, ce n’était pas uniquement par philosophie, mais par la conviction d’un homme qui avait été persécuté pour ses idées. Il était un des rares qui pouvait affirmer qu’il avait prédit ces événements.
Pour le magasin de mon père en 1945, il ne s’était pas passé grand-chose. Moi et Böhm nous voulions fonder une maison d’édition d’ouvrages de fiction, mais les américains nous refusaient la licence. On savait que les nazis à l'époque avaient des difficultés. Mais Böhm n’obtenu aucune licence parce qu'il était communiste. Un major du Counter Intelligence Corps (CIC) l’avait confirmé. C’était en 1946.
Ce n’était pas le nouveau début que nous espérions, il y avait de nouveau des gens suspects.
Böhm partit dans la zone est, non pas parce qu'il croyait que là-bas tout serait mieux, mais parce qu'il y voyait une meilleure chance de coopérer à la naissance de la nouvelle Allemagne qu'il imaginait. Nous étions sûrs que cela ne pouvait signifier pour nous une séparation pour cette seule raison que les frontières étaient provisoires. L'expérience de la catastrophe était encore trop vivante d'un coté et de l'autre. Nous faisions la paire et avions une très chère facture à payer ensemble.
Je voulais rester ici. Le magasin de mon père m'attendait, j'étais marié, j'avais des enfants. Je ne restais pas ici parce que je pouvais atteindre une existence agréable. J'avais la responsabilité de prendre la relève dans l'entreprise. Je crois que l'entreprise libérale de style occidental est compatible, pas seulement par intérêt feint, avec les idées de justice sociale et de solidarité humaine. Le drame était qu'on recommencait à séparer dans des secteurs idéologiques un peuple qui parle la même langue et qu'on ne pouvait être chez soi que dans une partie du pays.
Plus tard, j'ai rencontré Karl Böhm. Il y avait des difficultés administratives, mais nous pouvions obtenir des laisser-passer pour la foire de Leipzig. Nous avons encore parlé ensemble plus tard, mais des signes montraient qu'un jour cela deviendrait plus difficile. Après la guerre, nous n'étions pas particulièrement bien habillés, mais on reconnaissait déjà le visiteur de l'ouest aux vêtements, et peu de temps après ce n'est plus seulement les vêtements qui permettait de le reconnaître.
Le pays commençait à se séparer. Il y a eu de plus en plus de difficultés de communication. Désormais si nous voulions discuter, nous devions expliquer des notions qui auparavant ne nécessitaient aucune explication. Des deux cotés, nous en savions de moins en moins sur l'autre, l'image était déformée.
Je savais qu'il n'y avait pas seulement des apparatschik de l'autre côté et pas seulement des revanchards de ce côté-ci. Mais il y avait à l'Est, comme à l'Ouest, de moins en moins qui voulaient savoir. Cela m'est devenu clair pour la première fois, lorsque le 24 avril 1954, je rencontrais dans l'appartement des Böhm, à Wandlitz, des fonctionnaires du ministère de la sûreté de la DDR.
Ils avaient réuni des faits isolés dans une mosaïque dépareillée, et ce d'une manière absolument désastreuse, car ces théories devaient influencer aussi leur politique à notre égard. Du reste, la seule explication à cela était que mes interlocuteurs étaient principalement des agents de la sûreté d'Etat, moins du Comité central du SED, car c'était la sûreté d'Etat qui composait les mosaïques qui donnaient, à mon sens, une image fausse de la République fédérale.
Celui qui comme moi, croit qu'on ne peut arriver à une entente qu'en identifiant précisément la situation du partenaire, doit chercher, dans son propre intérêt, à donner une image claire de sa propre situation aussi à son partenaire. Cela avait peu de sens pour moi de mener des discussions bien intellectuelles ; je voulais parler avec des gens qui étaient importants dans la réalité politique de la RDA.
Et je suis rentré en contact pour la première fois avec l'appareil politique de l'autre côté. Pour que mes discussions soient utiles, je devais y inclure la RFA, parce qu'il n'était pas seulement question de dissuader mes interlocuteurs d'idées fausses. Je voulais aussi essayer ici modestement. Pour cela j'avais besoin d'interlocuteurs; je rejoignis le FDP.
Après que je sois rentré au FDP en 1955, j'ai demandé mon affiliation au SED. Ce n'était pas une contradiction pour moi, mais un préalable réaliste pour ce que Thomas Dehler a appelé dans un autre contexte "pénétrer le rideau de fer".
Au premier abord, cela peut sembler inconciliable. D'un coté, un parti a nationalisé tous les moyens de production, et de l'autre, un parti mène une politique pour l'entreprise. Pourtant, pour moi, il y avait une zone étroite dans laquelle je voyais la possibilité pour les deux partis d'oeuvrer ensemble. SED et FDP, je voulais être pris au sérieux des deux cotés.
Il m'était clair que je ne pouvais influencer seul les relations des deux états, aussi j'allais vers le FDP, car il y avait une chance qu'au sein de ce parti existent des personnes voulant mener une politique s'éloignant des slogans officiels. Ainsi, je soutenais ce parti.

Le cousin Böhm

Le cousin Böhm : "Ensemble, un projet cher"

Naturellement que je ne pouvais pas attendre de la part du FPD la mission de négocier de l'autre coté. Ce ne fut jamais le cas. Si j'avais joué cartes sur table au sein du FDP, j'aurai été aussitôt isolé, juste à cause de mon appartenance à la SED. Je serai alors arrivé à la situation d'avoir des interlocuteurs seulement de l'autre côté. Ensuite, toute tentative de médiation aurait été vouée à l'échec.
Je me suis parfois demandé s'il était bien réaliste de vouloir influencer votre propre politique. C'est pourquoi ça n'allait pas. Je ne pouvais pas changer la grande politique. Ce qui m'importait vraiment, ce n'était pas plus, mais aussi pas moins, que de laisser ouvert un trou dans le mur qui avait été construit des deux côtés.
Il n'a jamais été question de secrets d'Etat, bien au contraire. Il y avait un accord sans ambiguité entre les partenaires, comme quoi les secrets d'Etat étaient exclus des discussions. Les plans d'avions, les photos de ponts secrets, la transmission d'informations concernant des agents secrets, l'espionnage de secrets militaires ou la transmission des plans de défense de Bonn, tout cela n'était pas dans mon jeu; pas plus que je n'ai apporté de plans de manoeuvre ou des codes d'agents de là-bas.
Je savais que mes interlocuteurs appartenaient au ministère est-allemand de la sûreté de l'Etat. Qui étaient ces gens ?
Le Generalmajor Markus Johannes Wolf aurait été un mauvais choix dans une affaire d'espionnage. Il pouvait être cordial, d'une manière distancée et n'avait pas peur de discuter d'idées, même si elles ne faisaient pas partie du répertoire officiel. Le même âge que moi, costumes bien coupés, pas sans humour. Je dois dire en plus qu'ils n'étaient pas tous ainsi.
C'est vrai que j'ai été décoré de l'Ordre. Je me rappelle de la cérémonie. Nous sommes tous légèrement maladroits dans ces situations. C'était pour ainsi dire une démarche administrative après dix ans d'affiliation. Quand je m'en allais, l'ordre disparaissait dans un coffre à Berlin-Est. Depuis, il y en a eu un autre.
Les dîners en commun étaient raffinés, même sans présence féminine. En RDA aussi, il y a comme une idée de prestige. Des signes trop rares d'une parenté. Nous n'eûmes pas toujours des débats amicaux, je n'émargeais pas au Ministère de la Sécurité d'Etat.
Vous savez très bien que je n'ai jamais eu l'intention de nuire à l'un des deux états, mais de les servir tous les deux, aussi modeste ma contribution fut-elle.
Dois-je vraiment faire face à l'accusation de trahison ? Je ne pense pas.
L'autre question : est-il logique d'être millionnaire et marxiste ? et si oui, pourquoi ? Un millionnaire ne peut-il être marxiste ou un marxiste ne peut-il être un millionnaire ? Comme si les convictions d'un homme était en relation directe avec son compte en banque !
Est-ce que cela ne doit pas donner à penser ? N'est-ce pas un indice que le conditionnement mental que nous supposons toujours à l'est a aussi progressé chez nous? où se trouve-t-il écrit que je ne peux pas avoir la responsabilité d'une grand entreprise en RFA et mener simultanément de l'autre coté les discussions que j'ai conduites ?
J'ai peur, d'après mes expériences récentes, lorsque j'imagine la façon dont doivent se dérouler les négociations attendues entre les deux états. Nous y sommes très mal préparés.
Le quotidien triste de Dresde me déplait, tout comme les drapeaux rouges et les mots d'ordre du parti. Mais qu'avons-nous réellement su de l'autre côté ? Pendant des années, que du rationnement, et plus récemment des progrès économiques. Entre temps, la DDR semble être devenu acceptable : elle a eu des succès que nous mesurons suivant nos critères.
On me reprochera que mes millions m'ont empeché d'aller là où mes convictions sont reconnues officiellement. Cela semble si simple. Mais je ne suis ni stalinien, ni l'homme d'Ulbricht. Je suis chez moi en RFA et je suis marxiste.
Je sais qu'on me demandera comment en tant que marxiste, j'ai pu aider les deux systèmes politiques. Cette question vient du malentendu courant que le marxisme est une religion d'état. Je sais que les marxistes d'un coté comme de l'autre, ont des difficultés.
Je suis chez moi en RFA, même avec mes opinions. Je crois toujours que l'Allemagne de l'Ouest est un pays dans lequel les idées qui diffèrent des normes officielles doivent aussi exister. Je prends la liberté de fréquenter l'extrême-gauche, alors que celle de fréquenter l'extrême-droite est redevenue depuis longtemps convenable.