Comparatif de quelques 50 mm en monture 39 à vis favori envoyer
Par Ekreviss, testeur fou (08/2004)


50 mm russes 50 mm russes


Introduction

Bien que détestant les notes et la « mentalité de podium », je n'ai pas résisté à confronter mes 50 mm. préférés. Après avoir effectué plusieurs tests à des ouvertures comme f/5,6 ou f/8, il m'est vite apparu que ce mode d'opération n'avait que peu d'intérêt ; en effet, les optiques, même celles des années 50, présentent toutes de très bonne, voir d'excellentes performances à ces diaphragmes. Il fallait donc adapter le test aux ouvertures de travail suivant le type d'optique étudiée.

Exemple : un objectif dont l'ouverture nominale est de f/1,5 sera utilisé majoritairement à cette même ouverture nominale et jusqu'à f/4, car il s'avère inutile d'acheter une optique dont l'ouverture nominale est aussi grande pour l'utiliser à des valeurs comme f/5,6, f/8 ou encore f/11 ! A l'inverse, une optique dont l'ouverture nominale est un modeste f/3,5 se verra utilisée plutôt autour de valeur comme f/8. En résumé, l'ouverture nominale de chaque objectif et l'ouverture correspondant à + 2 valeurs ont été testées. Cela correspond à :
  • F/1,5 et f/2,8 pour les objectifs dont l'ouverture nominale est de f/1,5
  • F/2 et f/4 pour les objectifs dont l'ouverture nominale est de f/2
  • F/2,8 et f/5,6 pour les objectifs dont l'ouverture nominale est de f/2,8
  • F/3,5 et f/8 pour l'objectif dont l'ouverture nominale est de f/3,5
Matériel et méthode

Leica M7 sur trépied, bague adaptatrice 39 à vis - Leica M.

Les objectifs suivants ont été testés :

  • Jupiter 3 1,5/50 de 1950 (verres Zeiss)
  • Jupiter 3 1,5/50 de 1952
  • Jupiter 3 1,5/50 de 1956
  • Jupiter 3 1,5/50 de 1985 (noir)
  • Leitz Summarit 1,5/50 de 1950
  • Jupiter 8 2/50 de 1959
  • Jupiter 8 2/50 de 1967
  • Jupiter 8 2/50 de 1977 (noir)
  • Leitz Summicron rentrant 2/50 de 1953
  • Industar 26M 2,8/53 de 1963
  • Industar 61 L/D 2,8/55 de 1993
  • Industar 22 3,5/50 de 1950
Les tests suivants ont été réalisés :

  • Test 1 (9 août 2004) : Sujet avec source de lumière de ¾, cette source de lumière était donc gênante pour les objectifs sensibles au flare. Film : Fuji Acros 100.
  • Test 2 (10 août 2004) : Sujet éclairé de face uniformément. Film : Macophot UP 64c.
  • Test 3 (11 août 2004) : Sujet éclairé uniformément, situé à 1 mètre. Les objectifs sont donc réglés sur leur distance de mise au point minimale. Film : Tura P150 (équivalent à l'Agfa APX 100).

La notion de vignetage n'a pas été prise en compte car les optiques des années 50 présentent toutes ce défaut à leur ouverture nominale.

Tous les films ont été développés dans du Rodinal 1 + 25.

Jugement sur table lumineuse avec compte-fils. Chaque objectif s'est vu attribué une note sur 6 en fonction des négatifs obtenus pour les deux diaphragmes testés.

Aucune optique moderne coûteuse n'a participé à ce essai. L'intérêt de ce dernier est aussi lié au fait que le prix des optiques est compris entre 20.- ( !) et 300.-, dont 9 optiques sur 12 ne dépassant pas 100.- !!


Résultats

Test 1

Les prises de vue effectuées pour le 1ertest ont donné les résultats suivants :voir graphique ci-dessous.

50 mm russes



  • Le Jupiter 3 de 1950 brille par ses résultats dès la pleine ouverture. Malgré une sensibilité au flare, piqué et contraste sont au rendez-vous. L'image réalisée à f/2,8 est la meilleure du comparatif. Les verres Zeiss étaient vraiment les meilleurs du monde ! .
  • Le Jupiter 3 de 1952 présente des résultats identiques à pleine ouverture, mais peu d'améliorations à f/2,8. Il est fort probable que les verres russes ne fassent la différence qu'à partir de f/4. Je n'ai utilisé cet objectif qu'à f/5,6 et les résultats se sont révélés excellents.
  • Jupiter 3 de 1956 : Bien que mécaniquement plus rassurant, cet objectif présente rigoureusement les mêmes caractéristiques optiques que le précédent.
  • Somptueuses images piquées et contrastées pour le Jupiter 3 noir de 1985 .
  • Le légendaire Summarit pour clore la série des f/1,5. La pleine ouverture est décevante, avec une forte propension au flare. Manque de contraste et de définition. A f/5,6 l'image est détaillée et fouillée, mais toujours avec un léger déficit de contraste.
  • Le Jupiter 8 de 1959 sera la révélation de ce comparatif. Moins éclatant que le Jupiter 3 de 1950, cette optique donne des négatifs très vivants à f/2 comme à f/4, avec même un léger effet 3D ! Classe ! Mécaniquement neuf.
  • Les années 60 n'ont qu'une piètre réputation pour les optiques russes. Mais il existe quelques bijoux  cachés derrière, il est vrais, une production plutôt décevante. Ce Jupiter 8 de 1967 ne fait malheureusement pas exception à la règle : image molle sur tout le champs à f/2 avec peu d'amélioration à f/4.
  • M'ayant déjà donné de très beaux négatifs, le Jupiter 8 noir de 1977 était attendu au tournant. Il s'avère cependant décevant pour ce premier galop d'essais : images molles et manque de piqué sur les deux négatifs. Encore une victime de la lumière incidente !
  • Le réputé Summicron rentrant donne une belle image détaillée à f/2, mais sensible au flare ; ce qui diminue beaucoup le contraste. Légères et insuffisantes améliorations à f/4 : Image restant molle.
  • Les pires négatifs de ce test n°1 ont été donnés par l'Industar 26M : aucune définition, aucun contraste, et grande sensibilité au flare.
  • Le challenger de tous les tests, à savoir l'Industar 61 L/D , ne présente ici que peu d'intérêt : Image molle à f/2,8 et molle à f/5,6. La lentille au lanthanum ne fait pas son effet !
  • La copie conforme de l'Elmar de Leitz, le nommé Industar 22a donné une image plutôt molle et peu contrastée (flare) à f/3,5, mais excellente à f/8 plaçant du coup ce négatif juste derrière le Jupiter 3 de 1950 à f/2,8 ! De par cette trop grande différence, cet objectif ne récolte « que » 5 points.

    Remarques :

  • Les trois meilleures images ont donc été produites par le Jupiter 3 de 1950 à f/2,8, le Jupiter 3 de 1985 à f/2,8 et par l'Industar 22 à f/8.
  • La différence est bien marquée entre les trois Jupiter 3 des années 50 : celui de 1950 avec des verres Zeiss montre de bien meilleures performances à tous les niveaux. Il est cependant fort probable que cette différence s'amenuise voir s'annule vers f/5,6. Celui de 1985 reste un référence. N'oublions pas que cet objectif a été produit au sein d'une fabrique réputée. Les soviétiques auraient-ils changé la fabrication des verres pour les objectifs noirs ? Toujours est-il que ces objectifs noirs donnent toujours des résultats chromatiquement neutres alors que les optiques chromées marquent une tendance nette à un rendu chromatique légèrement chaud.
  • L'Industar 26M s'avère inutilisable.
  • L'Industar 61 L/D pourtant performant ne confirme pas sur ce test.
  • Les objectifs Leitz se montrent très moyens. Ils sont devancés par leurs équivalents soviétiques.

Test 2

50 mm russes




Est-ce que ce test sera tout aussi étonnant que le premier ? Voyons les résultats ci-dessous :


  • Le Jupiter 3 de 1950 donne le ton : contraste et piqué. Le valeurs sont magnifiques.
  • On retrouve un petit cran en dessous les jumeaux Jupiter 3 de 1952 et 1956 . Très bonnes optiques qui ne souffrent que de la comparaison avec leur ainé.Je suis sûr que les note seraient encore moins différentes à des valeurs plus fermées.
  • Les négatifs du Jupiter 3 de 1985 se remarquent tout de suite : clarté, piqué, contraste.vraiment des négatifs que l'on a envie de tirer !
  • Très légèrement derrière son prédécesseur, le Summarit fait plaisir : négatif précis, lisible et piqué. Seul le contraste est légèrement en retrait.
  • Très beau aux deux ouvertures testées, le Jupiter 8 de 1959 confirme ses performances : piqué, contraste, respect des valeurs.magnifique ! Un vrai objectif « à l'ancienne », dont les négatifs doivent être un plaisir à tirer sur du papier baryté.
  • Toujours un peu insipide, le Jupiter 8 de 1967 ne fait pas honneur à l'année de l'anniversaire du cinquantenaire de la révolution d'octobre.
  • Plutôt moyen à pleine ouverture, le Jupiter 8 noir de 1977 se rattrape à f/4 : beau piqué et contraste sérieux pour un objectif « moderne ».
  • Un peu mou à f/2 et présentant peu d'amélioration à f/4, le Summicron reste en retrait. Surprenant !
  • A nouveau, l'Industar 26M ne présente pas la moindre qualité.
  • Mou aux deux diaphragmes testés, l'Industar 61 L/D est vraiment décevant. Et pourtant, pas de piège de lumière cette fois-ci !
  • Comme pour l'essai précédent, l'Industar 22 est plutôt moyen à f/3,5 mais éclatant à f/8. Un négatif qui se remarque rapidement ; bien contrasté et piqué.

    Remarques :
  • Le Summarit retrouve ses lauriers, sa légende et son vrai niveau : tant mieux ! L'étonnant Jupiter 8 de 1959 récolte également la note maximale.
  • Les Jupiter 3 de 1950 et de 1985 sont décidément de grandes optiques ! Ils sont talonnés pour ce test par les Jupiter 3 de 1952 et 1956.
  • Si l'on doit faire des images où diaphragmer s'impose, l'Industar 22 sera le meilleur choix car des valeurs comme f/8 et f/11 n'ont pas l'air de l'effrayer, au contraire !
Test 3

Dernier test afin d'avoir la conscience tranquille :

50 mm russes



  • Encore une fois, le Jupiter 3 de 1950 propose une reproduction cristalline du sujet, avec en supplément la « magie » des optiques Zeiss.
  • Encore une fois également, le Jupiter 3 de 1952 talonne son ainé de deux ans.
  • Un petit cran en dessous, le Jupiter 3 de 1956 est au niveau du Summarit. (contraste)
  • Les négatifs du Jupiter 3 de 1985 sont extraordinairement piqués et contrastés. Les plus fins détails ressortent clairement à f/2,8. Impressionnant ! On retrouve cependant la dureté de certaine optiques modernes.
  • Le Summarit souffre la succession : très beaux négatifs bien détaillés mais le contraste n'est pas à niveau. A l'opposé du précédent ! Cette belle douceur est parfois utile !
  • Beaux négatifs piqués et contrastés pour le Jupiter 8 de 1959 , avec un peu de cette magie liée au respect des valeurs. Un plaisir.
  • A nouveau mou aux deux diaphragmes, le Jupiter 8 de 1967 ne présente pas beaucoup d'intérêt. Ou alors pour du nu éventuellement.
  • Magnifiques négatifs pour le Jupiter 8 noir de 1977 qui continue sa progression ! Je retrouve l'optique qui m'avait donné de si beaux résultats au mois de février de cette année sur Ilford Delta 100 ! Contraste et piqué, avec des valeurs qui manquent à peine de nuances.
  • Une nouvelle déception pour le Summicron : les négatifs sont très nets mais il n'y a pratiquement aucun contraste. Probablement dû à l'exemplaire testé car cet objectif jouit d'une grande réputation optique.
  • Un sursaut d'orgueil pour l'Industar 26M : certes, les deux valeurs testées n'incitent pas à l'enthousiasme le plus débordant, mais cette fois les négatifs sont parfaitement exploitables ! Piqué et contraste sont au rendez-vous.
  • Le décevant Industar 61 L/D donne à nouveau des négatifs trop mous.
  • Fidèle à ses habitudes, l'Industar 22 donne un négatif bon sans plus à f/3,5, mais un véritable chef-d'ouvre à f/8.d'où sa note de 5.
    Remarques :

  • Peu d'éléments nouveaux si ce n'est les très beaux négatifs donnés par le Jupiter 8 de 1977, et les bons résultats de l'Industar 26M.
  • Les objectifs « modernes » montrent sur ce type de test leur contraste légèrement supérieur, ce qui peut être un désavantage ou un avantage suivant le sujet.
  • Les types de valeurs données par le Jupiter 3 de 1950, le Summarit et le Jupiter 8 de 1959 correspondent typiquement au rendu que je recherche.
Résultats finaux

Les moyennes obtenues par les divers objectifs ont été les suivantes :

50 mm russes



Podium : 1erles Jupiter 3 de 1950 et 1985. 3ele Jupiter 8 de 1959. ( 4el'Industar 22, 5ele Jupiter 3 de 1952, 6ele Jupiter 3 de 1956, 7ele Summarit et le Jupiter 8 de 1977. Les autres objectifs n'ont pas obtenu la « moyenne ».)

Les fantastiques opticiens d'avant-guerre de chez Zeiss ne s'étaient pas trompés : leur formule optique à 7 lentilles récolte la meilleure moyenne. En effet, même si le nom « Zeiss » n'apparaît sur aucun objectif de ce test, la firme de Jena est omniprésente :les Jupiter 3 sont tous issus de la même formule d'origine Zeiss, ainsi que les Jupiter 8 (6 lentilles). Et si le Jupiter 3 de 1950 est estampillé « Jupiter 3 », la fabrique KMZ ne s'est chargée que du montage ; le groupe optique faisait certainement partie des biens allemands confisqués par les Soviétiques après la victoire de 1945. Le Jupiter 3 de 1952 est une excellente optique, et celui de 1956 peu se vanter d'être au niveau du Summarit ! Surprenant pour un objectif que l'on trouve couramment, de surcroît pour un prix modique.

Les surprises sont plutôt du côté des vaincus que des vainqueurs:  Le Summicron de 1953 doit probablement avoir un défaut ; impossible que le meilleur 50 mm. de chez Leitz ne soit pareillement à la traîne !

Inutile d'investir dans un Jupiter 8 des années 60 : Ses deux cousins présentent des performances si supérieures que son intérêt est vraiment limité ! D'autant plus que le modèle de 1959 possède le petit accessoire pour l'index (ce qui facilite la mise au point), et que le modèle de 1977 comble l'absence de cet accessoire par une très onctueuse qualité mécanique.

L'Industar 61 L/D qui avait donné de si beaux résultats l'année passée ne confirme pas ; la qualité mécanique médiocre de ces objectifs pourtant du début des années 90 y est certainement pour quelque chose.

Livré « gratuitement » avec les Fed 2, l'Industar 26M fait figure de bouchon à boîtier plutôt que d'outsider de début de gamme.

Bonne confirmation pour l'Industar 22. Copie conforme de l'Elmar 3,5, on comprend pourquoi cette formule optique a fait le bonheur des premiers Leicaïstes ! L'absence de télémètre des premiers modèles du Leica était  comblée par la qualité optique de l'objectif : en effet, diaphragme à f/9 ou f/12,5 (valeurs de l'époque) et.vive l'hyperfocale ! D'ailleurs ces optiques étaient « calculées pour ».

Last but not least, le Summarit n'est pas le meilleur côté performances, mais reste irremplaçable de par ses qualités « d'archétype d'objectif à l'ancienne », plutôt doux, nuancé, sensible au flare, mais tellement attachant, et au bo-keh inimitable !

Conclusion

N'ayant absolument pas prétention de vérité, ce test a souligné plusieurs tendances :

Les objectifs soviétiques quand ils sont mécaniquement sains sont réellement bons. Au bas mot.

Les objectifs Leitz ne vieillissent pas mieux que les autres.

Vu la très forte personnalité de chaque optique, il vaut mieux les choisir en fonction du sujet photographié plutôt que pour leurs performances pures. (et c'est ce que les utilisateurs d'optiques modernes très contrastée ne comprennent généralement pas)

Pour les aficionados des optiques à quatre lentilles, il faut préférer l'Elmar de Leitz ou sa copie conforme, l'Industar 22, car les extrapolations n'ont pas été concluantes.

Le fait d'avoir testé les objectifs à leur ouverture nominale et + 2 valeurs a réellement permis de les distinguer. En effet, ils sont tous au moins « bons » à  f/8 !

Remerciements

Des remerciements anticipatoires à mes futurs lecteurs, peut-être aussi fou que moi pour se plonger dans une petite étude démodée comme celle-là. Merci de m'avoir lu !

Merci aux piles du Leica M7 d'avoir tenu le coup.

Merci au Rodinal de délivrer d'aussi beaux négatifs depuis plus de 113 ans, (presque) indépendamment de l'objectif utilisé !